Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par blog813

[en différé de] Roman policier grec à l'AGECA

Pierre Michel Pranville a assisté à une conférence de Loïc Marcou sur le roman policier grec organisée par Phonie-Graphie qui est une association de promotion du grec moderne en France. Dans le cadre de ses cours de civilisation, elle a accueilli Loïc Marcou, Docteur en littérature néo-hellénique (Paris-Sorbonne) pour une rencontre autour de l’histoire du roman policier grec.

 

Le roman policier grec, de 1935 à 2015,

Petite histoire d’un genre (para)littéraire

sur sept décennies

Jusqu’à ces dernières années, en Grèce, le genre policier était peu considéré. Il est absent des grandes anthologies de la littérature néo-hellénique, et il était vilipendé par la gauche comme étant une littérature bourgeoise défendant l’ordre établi et par la droite qui la considérait comme une sous-littérature destinée au prolétariat urbain.

Le roman policier est inconnu en Grèce au XIXème et au début du XXème siècle.  Pour Loïc Marcou, il y a trois conditions à la naissance d’un roman policier : une société urbaine, une criminalité urbaine et un enquêteur qui mène une enquête couvrant tout le récit. Conditions qui n’étaient pas remplies. Au début du XIXème, Athènes est un village de 7.000 habitants qui atteindra 120 000 habitants en 1896. Le crime était plutôt rural : conflit foncier, crime d’honneur, brigandage. En ville, on ne connaissait pas le phénomène des « apaches » parisiens.

La Grèce va donc développer le cycle commun à plusieurs pays du sud de l’Europe : traduction et adaptation de romanciers français et anglais (Gaboriau, Doyle) à partir de 1880. Les Mystères de Paris seront une source d’inspiration pour de nombreux Mystères grecs. Sherlock Holmes viendra même au secours du premier ministre Venizélos en dévoilant un complot contre ce personnage historique. Parallèlement, nait le Roman de bandit qui héroïse le bandit grec opposé aux gendarmes qui sont ridiculisés.

Pour Loïc Marcou, le premier roman grec véritablement policier est Le Crime de Psychico de Paul Nirvanas publié en 1928. Nirvanas est romancier mais aussi traducteur de Nietzsche, entre autres, et pionnier du jeune cinéma grec comme scénariste.  Apparaitront également dans les années 1930 des séries de pulps grecs publiant des traductions ou des nouvelles originales.

Le grand auteur de roman policier qui a traversé le siècle est Yannis Maris (1916-1979). Résistant, de gauche, journaliste, il créé les personnages du commissaire Bekas qui ressemble beaucoup à Maigret et du journaliste Makris qui l’assiste dans ses enquêtes. L’influence de Simenon est réelle. Ses criminels sont des collaborateurs des nazis, des grands bourgeois des quartiers chics d’Athènes. Longtemps méprisés, ses romans sont maintenant réédités. Il a inspiré plusieurs auteurs de roman policier dits de la génération Maris.

Trois auteurs représentent le nouveau roman policier grec : Andreas Apostolidis qui a du mal à se libérer des modèles étrangers qu’il traduit ; Petros Martinidis, de Salonique, francophone, orienté vers les campus novels ; et le plus connu en France, Petros Markaris, originaire d’Istanboul, traducteur de Goethe et de Brecht, qui a créé le commissaire Karistos flanqué de sa femme et de sa fille, représentant une Grèce de la petite bourgeoisie d’Athènes. Avec Markaris, le crime est prétexte à une satire de la société grecque. Il s’attaque aux média, à la corruption dans l’économie, la publicité, le sport.  L’assassin est souvent un justicier. Depuis 2000, le roman policier connait en Grèce un essor rapide. Plus de quarante auteurs adoptent le genre orienté vers une critique de la politique grecque.

Loïc Marcou s’est livré à un exercice passionnant, plaisant et  très documenté. Il s’est attaché à souligner les spécificités du roman policier grec : lié à l’histoire sociale, l’utilisation de l’antiquité, la forme de la tragédie. L’histoire du roman policier grec a de nombreux points communs avec celle d’autres pays du sud de l’Europe comme, par exemple, le Portugal, dans l’articulation traduction-adaptation-roman national. Il sera intéressant de comparer comment le roman policier grec s’est adapté ou non à la dictature (1967-1974)  avec ce qui s’est passé pour le genre policier en pendant les dictatures en Espagne, au Portugal, en Italie ou en Allemagne. Un thème intéressant pour un prochain dossier 813 ? A signaler : la publication du roman de Paul Nirvanas, Psychico, est prévue début 2016 chez Mirobole – éditeur que 813 connait bien, traduit par Loïc Marcou. Tous les romans de Petros Markaris sont publiés au Seuil.  Deux textes de Yannis Maris sont sortis chez L’Harmattan et L’Asiathèque en édition bilingue en 2007 et 2014.   

Pierre Michel Pranville.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article