Polar BD
Frédéric Prilleux dans les cases noires... Retrouvez ses chroniques sur son blog BEDEPOLAR
Cet album est paru en même temps que « Le Frisson » et tous deux inauguraient la nouvelle collection « Dark Night » de
Delcourt. Après le récit teinté de fantastique mythologique de Starr et Bertilorenzi, voici une plus classique mais impeccable histoire de femme fatale,
manipulatrice du pauvre type un peu lent du cerveau... Le piège se referme lentement sur Junk, et on ne peut que constater les dégâts. Graphiquement, Victor
Santos use d'un noir et blanc qui rappelle parfois celui de Risso dans les ombres des silhouettes et des visages (quand on ne voit que les dents,
par exemple) ou celui de Frank Miller (scène au lit la nuit, avec les hachures pages 66-67). Pour vous donner un aperçu, vous pouvez lire ici les 20 premières pages sur le site de Delcourt. Le rythme de l'album est assez
soutenu, avec 4 à 8 cases par page, ce qui fait qu'on ne décroche à aucun moment. « Sale fric » confirme que Brian Azzarello – scénariste de "100 bullets" – est bien le scénariste du moment en matière de « Crime comics ».
L'histoire inventée par Christos Gage pour Chris Samnee ne manque quant à elle pas d'originalité : l'inspecteur Adam Kamen,
au cours d'une intervention mouvementée sur une prise d'otage, se retrouve avec un tournevis planté en plein milieu du front... Il en réchappe mais l'agression va laisser des séquelles
inattendues : le voici pris d'étranges visions, qui modifient sa perception de la réalité. Phénomène encore plus mystérieux, ces visions vont relancer une enquête sur un tueur en série, baptisé
Henri VIII, et qui a pour habitude de décapiter ses victimes et de laisser leurs corps mutilés en plein New-York...
Ce « Zone 10
» est assez flippant, car l'enquête est menée par un inspecteur un peu dérangé et va se déporter sur un territoire scientifique, voire même médical, assez
inhabituel. Il va en effet être question de trépanation tout au long de l'histoire, et comme le dit Jason Aaron (scénariste de « Scalped ») dans l'exergue
à cet album : « Gage et Sammee se sont bien trouvés, et grâce à eux, je ne me sentirai plus jamais tranquille en présence d'une perceuse. Merci... ». Là encore, le travail graphique est tout à
fait intéressant, et le noir et blanc de Samnee est lui plus « sale » que celui de Santos, peut-être parce que ce qu'il doit dessiner est aussi un peu
plus gore... Bon, on peut rester un peu de marbre quant aux explications scientifiques sur lesquelles repose tout l'édifice – et même les trouver parfaitement farfelues – il n'en reste pas moins
que « Zone 10 » est lui aussi un comics captivant, et une nouvelle preuve qu'il est très possible de faire du polar en sortant des sentiers
battus.Alors, que penser de ce nouveau label « Dark Night » lancé par Delcourt ? Hormis une petite réserve sur l'agrandissement du format par rapport aux comics originaux parus chez DC dans la
collection « Vertigo crime », il faut se réjouir de la traduction de ces trois premiers titres, qui permet de réelles découvertes. Reste à savoir quels seront les prochains à rejoindre la
collection, car les trois albums choisis se rapprochaient, peu ou prou, d'une même famille graphique. Or, par exemple, le « Bronx Kill » de Milligan et James ou « The Executor », de l'italien
Mutti sur scénario d'Evans, sont dans des registres visuels complètement différents. Wait and see... Et en attendant de voir, Delcourt ressort l'excellent « Sentiers de la perdition », en deux
volumes.
Sale Fric
Texte Brian Azzarello et dessins Victor Santos
Delcourt, 2011. - 196 pages noir et blanc.
- Collection Dark Night - 14,95 €
Zone 10
Texte Christos N. Gage et dessins Chris Samnee
Delcourt, 2011. - 179 pages noir et blanc.
- Collection Dark Night - 14,95 €