Le coup de ♥ de Serge
------------
Dans un microcosme bourgeois étriqué, symbolisé par un cercle équestre où un scandale sexuel émoustille des existences ternes, la misanthropie de Charles, au fil d'un périple de moins en moins contrôlé, fertilise allégrement. N'éprouve-t-il pas plus d'empathie pour sa rossinante que pour ses voisins de pallier ? Et qui était sa Lisa, dont on n'apprendra finalement rien ? Si son ombre abstraite alimentait juste une sourde névrose ?...
Roman dont la noirceur décalée s'invite entre les lignes, Un journal pour Lisa phagocyte l'acidité de Claude Chabrol et les monstres de Dino Risi. Le venin est ici inoculé par une écriture lisse et distanciée (qui aurait toutefois gagné, ici et là, à davantage de concision) enchaînant, sur un ton moelleux, vicissitudes ordinaires et horreurs feutrées. De l'art caustique de trucider, en toute probité, son prochain…
Charles, deus ex machina aux petits pieds, est-il un improbable justicier aveuglé par son deuil, dont la croisade imbue l'absout ipso facto de tout remords, ou un psychopathe qui s'ignore ?
Tenu jusque dans la résonance ambigüe de son ultime phrase, ce vertige cynique est porté par un plaisir de plume, auquel on succombe sans la moindre culpabilité. En souhaitant ne jamais croiser les pas du sieur Carrier…