[Le billet] Alabama shooting
J'ai beau être menottée aux mains et aux chevilles, tous les flics du coin sont curieux, ils veulent voir la pas encore célèbre Joan Travers.
Trois assassinats à mon compte. Sauf que je ne me souviens de rien.
Le lieutenant Davis me montre des photos, les corps sont dans un sale état...
Un frisson à peine.
Je fais des efforts de concentration. Ce matin, debout 7 heures, les enfants à l'école, ce midi une pizza et cet après-midi une réunion avec tous ces imbéciles que je déteste.
Je le dis et le répète, je suis INNOCENTE.
Je suis née en 1965, j'ai grandi dans une famille WASP sans histoire, et ne comprends rien à la foi.
Depuis trois jours la prison a un goût d'enfer, chaque seconde une incompréhension.
Mon adolescence n'est pas pire qu'une autre, mes parents pensent et agissent comme tels. Je suis une fille, on me met un peu de côté.
Un Ruger dans mon sac quand j'étais enfant. Papa avait un Mossberg dans sa chambre, l'arme du diable.
La tragédie est là dans la cuisine. Mon frère Keith s'écroule, tout le monde le criera bien fort, c'est un accident.
Pour le procureur, c'est la condamnation à mort, pour mon avocat la perpétuité, et pour moi l'acquittement.
Une histoire vraie. Joan victime du sexisme très tôt. C'est une fille, on lelui fera comprendre tout au long de sa vie et sa carrière. L'université d'Harvard le lui fera savoir. Les filles, c'est après.
Très tôt aussi les armes. Dans la maison tout le monde fait joujou avec.
Et comme souvent, avoir une arme c'est avoir l'occasion de s'en servir.
Alabama Shooting ; John N. Turner ; Ed. l'Aube Noire, juin 2015.