[le Billet] L’éternité des charognes
La Fourrière, c’est un bled perdu, quelque part par là. Les chats et les chiens seraient plus heureux autre part. Pour les humains, c’est barbecue tous les jours à cause des mouches dans la maison. Pour les voisins, c’est des cons.
Mon pote, c’est Jonas et moi Couillon de la lune. Les plus nombreux, ce sont les animaux, les moutons, les chiens en balade, les asticots, les poules et leurs merdes décorent le sol.
Pour le reste, pas de télé, pas de douche, on pue ; les charognes sont ravies.
Maman se fâche de temps en temps et quand elle revient, on est tous comme des cons.
On sait bien qu’elle a toujours raison. Le 14 juillet on ne défile pas, c’est le jour des viandards, même les chiens font ceinture. Tous d’avoir un couteau et de ne pas perdre l’occasion de s’en servir.
Dans ce pays, on hurle avec le vent et chier dehors, c’est faire partie de la nature.
Le temps de l’école est revenu. On attend le bus sur le bord de la route, juste en face l’usine d’engrais. A l’école, on est les péquenots, même pas des Nike aux pieds, la déchéance quoi !
Pour devenir adulte, il faut apprendre à boire. A la ville, c’est un autre apprentissage. Les autres tout près, les filles et la jalousie qui va avec et ceux qui vous racontent la vie.
Je ne sais pas si j’ai la tête de l’emploi, très vite on me propose quelques trafics.
Il faut planquer la marchandise dans le fond du caleçon et attendre. On devient son propre consommateur et la vie d’avant devient un séminaire.
Et l’explosion arrive, Lou, l’inconnue, la huitième merveille du monde. Dans pas si longtemps elle va changer de place. Alors, il ne restera plus que les étoiles et le monde de l’infini. La terre n’est pas si loin et le choc est rude.
Une église est ouverte et dans ce bénitier une grenouille sculptée, voici venu le temps de bénir les animaux.
Si Simon Johannin a plus que de l’imagination, il a aussi du style et en 140 pages on voyage parmi quelques moutons, litrons, substances illicites et jolies filles sauvages. Il revient à ceux qui étaient là au début et qui remporteront le match. Le reste n’est qu’invention.
L’Été des charognes ; Simon Johannin ; Ed. Allia, juillet 2017. Prix littéraire de la vocation 2017.