Place aux jeunes en quelque sorte *
Elles sont d’accord, Jo et Céline, les deux sœurs, le père est une brute et la mère une garce. On passe de la main au cul, aux coups qui vous envoient par terre.
Un peu de rigolade avec la fête foraine, l’Araignée qui vous tourne trop la tête, comme l’année dernière et comme l’année prochaine ?
Céline est plus délurée. Elle sait sans avoir appris, jusqu’au jour où !!
Le père pose la question à la cadette : Jo, alors ? Le père ne supporte plus un seul mâle autour de ses filles. C’est une fixation imbécile, la bière y est pour beaucoup.
Le soir c’est l’heure de la piscine, celles des villas friquées et vides. Totale éclate.
Mais demain, c’est collège. Ce n’est pas de tout repos. L’éternel, je t’aime moi non plus, est toujours d’actualité.
L’arrondissement de Céline met la zizanie dans la famille. “C’est pas Said quand même ?”
Tout autour, la vie continue. Chacun son travail, ça tourne à peu près rond. Une mère casse-pied, un père malade, le festival d’Avignon et un bébé qui attend.
Le voisin ne plait pas. Les copains sont abonnés au Pastis et le grand-père est un vendu.
Jo a quinze ans, son père le lui rappelle souvent, si c’est pas avec les mots c’est avec les mains. La mère donne des ordres. Elle et les filles savent bien que rien ne sera fait.
Avec le beau temps qui vient, l’heure de la piscine pour Said, c’est du lourd. Pour les filles, c’est sympa et arrosé. Et le bébé, il a bien un papa ?
Céline reste muette. Pas de réponse pour personne. Jo préfère ramasser le raisin, l’école attendra.
En ce jour, il pleut autant que dans la Bible et Jo fait partie de la terre, elle le crie haut et fort. Cinq personnes maintenant dans la maison. Et la fête foraine bat son plein...
Quinze et seize ans, mais toutes leurs dents. Elles n’ hésiteront pas devant quiconque à taper sur la table. Elles pensent avoir déjà choisi leur avenir. Pour l’une c’est travailler, pour l’autre qui a des capacités, c’est le lycée. La vie va-t-elle être difficile ? Facile sans doute pas !!
L’Été circulaire ; Marion Brunet ; Ed. Albin Michel, février 2018.
*Le titre de ce billet, “Place aux jeunes en quelque sorte”, est extrait de la chanson de Georges Brassens : Supplique pour être enterré sur la plage de Sète.