La mort en marche
Le Gouverneur l’a dit. On s’arrête pas, sauf pétrole et mangeaille, le reste, par la fenêtre.
On s’appelle Gros et Vieux, chacun conduit douze heures par jours. Le camion frigo est plein et personne ne doit s’en approcher. Sinon, exécution.
Deux à vivre dans la cabine, odeur et peu d’eau pour les affaires de tous les jours.
Pourquoi ce travail, en sachant tout de l’affaire? Le calcul du Gouverneur est diabolique.
Dans la cabine, la cargaison ne sent rien. Pourtant, 157 cadavres. Et non ils n’existent pas, le Gouverneur l’a décidé ainsi.
Quand ils descendent tous les deux du camion, malgré l’interdiction, le monde retrouve sa normalité. Des coups de feu et la Sainte Vierge accrochée tourne dans tous les sens.
Un homme est au bord de la route. Gros et Vieux prennent le risque. Il monte dans la cabine. Sur le tableau de bord, un clignotant rouge s’allume.
Sur la route des militaires et des narcos. Obligation de s’arrêter, surtout pour certains, définitivement. Des chiens collent leurs nez au cul du camion. Le feu clignote. Il est plus qu’urgent de partir.
Il n’y a que le désert qui les accepte. Le camion n’existe plus et le chargement est un secret d’état.
Le désert les engloutit et personne ne devra en revenir, jamais.
Une “histoire vraie”. Plus de place pour les morts. Gagner l’éternité, c’est loin et violent.
Ce roman est aussi un exercice de lecture. Il est interdit de s’arrêter, vous avez juste le droit de respirer avec les virgules.
Mictlan, Sébastien Rutés, Ed. Gallimard, La Noire. Décembre 2019.