L’Albanie en fuite
A travers la vitre, ma ville est sale.
En 1978, on est une bande de “copains”, on joue à fumer et à se planquer des flics.
A l’école on apprend Molière et en 1985, Enver Hoxa va mourir.
J’aimerais moi aussi partir de cette Albanie, petite copie de l’Union Soviétique. Ma famille me marie à Rina. Il faut du temps. Pour l’Albanie, il en faut moins, le nouveau président “démocratique” se noie dans le stalinisme d’hier.
Le temps prend soin de me faire du mal. L’Albanie, c’est le trafic. Tout y passe, les Leks se remplissent les poches. La principale marchandise, ce sont les jeunes femmes et la prostitution va bon train.
Rina m’engueule. Tous de partir, nous on reste. C’est moi qui pars et à mon retour l’Albanie est devenue “européenne”. les anciens communistes sont encore là et ne valent pas cher.
Alban, le “parrain” le dit : il n’y a plus de règles, ça se voit et ça s’entend.
Rina insiste, il faut partir ; tu parles français et je suis infirmière.
L’Albanie vire dans l’ultra capitalisme, 50% par jour pour celui qui y croit.
C’est le contraire : la guerre civile. Et cette guerre est pour tout le monde. Les bons et les méchants.
La guerre civile va créer des clans et 20 ans après, le combat continue jusqu’à la vengeance ultime.
L’Albanie a cru qu’elle était une URSS. Trop petit mon ami, pas d’argent, pas de soutien. Sauf celui de la mafia. La seule solution est géographique, l’Europe.
Les Aigles endormis, Danü Danquigny, Gallimard, Série Noire, décembre 2019