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Publié par blog813

​"Queen's Gangsta" de Karim Madani (Rivages Noir)
... chroniqué par notre ami Jean-Luc Manet sur livreshebdo.fr du 7 juin :
 


Karim Madani, Queens gangsta, (Rivages/Noir) : Crack investigation

Entre un épisode du « Poulpe » (la collection de polar créée par Jean-Bernard Pouy) et son notable roman Jewish Gangsta, nous avions particulièrement remarqué Karim Madani lors de sa participation au recueil collectif Banlieues parisiennes noires publié en 2019 aux éditions Asphalte. Il faut dire que, journaliste au cœur des cultures urbaines, autrement formulé, premier de cordée en zone plutôt suburbaine, la banlieue ça le connaît. Alors, de celles de Paname à celles de New York, il n'y a qu'un pas qu'il franchit comme si l'Atlantique n'était qu'un caniveau oublié en périphérie des cités élues et muettes.

À l'est de Manhattan donc, pour le décor chancelant, quartier du Queens, là où les décollages et atterrissages de l'aéroport JFK règlent le tempo sonique au quotidien, de l'autre côté du pont de Brooklyn, côté obscur et délabré, au mitan des années 1980 : Kenneth « Preme » (pour « Supreme ») McGriff et son neveu Gerald « Prince » Miller montent un bizness vite prospère et parfaitement huilé, coke, crack en expansion et autres friandises à tous les rayons de leur supermarché florissant. Mais ni Rome ni Gotham ne se sont construites en un jour. L'histoire, largement inspirée de celle bien réelle d'une Supreme Team de triste mémoire, s'échafaude en fait dès 1978.

Au fil des millésimes se gravissent les échelons d'un ascenseur à la fois social et délictueux. On assiste à ce Golgotha du crime et des trafics jusqu'à son apogée. Ça crucifie à tout-va​,​ bien avant le sommet​,​ entre les overdoses et les volées de plomb, mais ça fonctionne, ça s'industrialise. Des gamins sans repères, nourris à l'adrénaline et à la cordite, à la junk food et aux liasses de billets verts délavés à force d'être blanchis, prennent le pouvoir, suzerains désormais d'un royaume en friche. Alors forcément, la concurrence s'immisce tel un gravier dans la chaussure. La police et la justice, pas toujours propres sous les ongles non plus, s'invitent également au bal, aux balles aussi. Toutes les poudres, blanches ou grises, se télescopent sans sommations.

D'une écriture cash, qui fuit les bons sentiments comme la peste, qui s'harmonise et s'américanise au rythme d'un thème propice, Karim Madani nous tient en joue avec dans les barillets des mots simplement narquois ou grinçants, chemisés comme du .38 mais drôles à l'occasion, acides souvent, comme si les commerces induits les avaient imprégnés. Chez lui, nous ne sommes pas dans le semblant ou la pleurnicherie de circonstance : ça gratte où ça fait mal et tue. On y parle volontiers de « bombasse » ou de « négro ». On y fume, enfume, mutile, élimine. On y croise même quelques stars natives de ces blocs nécrosés pour un inoubliable et authentique concert, parrainé par les caïds du cru en 1989 : au programme, Run DMC, LL Cool J, Rick Rubin et tout le staff du label Def Jam... « Le Queens a produit les meilleurs dealers et rappeurs de tous les temps » conclura bien plus tard un très sérieux journaliste du vénérable Village Voice. À noter que le présent Queens Gangsta s'inscrit dans la déclinaison « New York Made In France » de la collection « Rivages/Noir ».

Karim Madani
Queens gangsta
Rivages
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 21 € ; 320 p.
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