Le Panier des Trophées 2024, prix Maurice Renault
Pour ceux qui l’ignoreraient encore (mais est-ce possible ?) le prix Maurice Renault récompense un essai, une étude, un article de presse, un magazine, un site internet ou un blog à qui on doit un regard différent, expert, sur l’immensité de la production du noir – polar. Une fois encore, des blogs apparaissent à côté d’ouvrages savants. Depuis plusieurs années, ces entités à part entière du mode du polar sont nominées de façon récurrente sans jamais avoir été primées. Cette année peut-être ? Deux d’entre eux ont été mis à la sélection, avec des ouvrages sur DOA, Manchette, ou un panorama récent du polar.
Pour les blogs, un lien vous conduit sur leur actualité. N'hésitez pas à cliquer pour les découvrir si vous ne les avez jamais fréquentés.
À vous de choisir, entre l’essai savant et l’indispensable travail de fourmi. Voyons donc :
Blog Broblogblack
La couleur du noir
Gérard Lecas
Editions l’Harmattan / Espaces Littéraires 2023
Cet essai sur le roman et le cinéma noirs sort de l’ordinaire, ce n’est pas un nouvel écrit sur l’Histoire du roman noir qui n’occupe que quelques pages. L’auteur approfondit ce qu’est un roman noir et ce qui le différentie du polar, du roman de détection et du thriller. A ce titre, Gérard Lecas parle du genre noir et de son rapport à l’authentique dans le monde d’hier ou d’aujourd’hui ce qui lui confère une dimension historique.
Le genre noir s’appuie sur des fondements qui constituent autant de marqueurs. Pour illustrer les liens entre roman noir et optimisme, désespoir et désenchantement, j’ai beaucoup aimé la comparaison avec le tableau de Goya « Les fusillades du 3 mai » sur lequel un homme qui va mourir est animé dans son habit blanc d’un geste de vainqueur comme pour apporter une ultime lueur d’espérance. Même si un roman noir n’a pas la prétention de solutionner mais vise plutôt à dénoncer, l’absence d’espérance dans le roman noir était considérée comme regrettable par Jean-Patrick Manchette. […]
Lire la suite de la chronique sur le blog : le tour du monde en 80 polars
DOA-Rétablir le chaos
Elise Lépine
Editions Playlist Society – coll Face B 2023
Ne parlez plus du « mystérieux DOA ». Il balaye l’adjectif du revers de la main, agacé. Il ne cultive pas le mystère, il cultive la discrétion. Son pseudonyme existait avant son entrée en littérature : on croisait alors DOA sur des forums ou aux manettes d’un blog. Comme tout le monde, il avait pris un nom de code, le sien était un acronyme, « DOA » comme Dead on Arrival, ou « Mort à l’arrivée », film noir réalisé par Rudolph Maté en 1950. Il était producteur de jeux vidéo, avec un accès privilégié aux remous et remugles de l’Internet balbutiant ; de quoi le vacciner contre le partage de données personnelles, bien avant tout le monde. Sur les forums, il a vu naître les phénomènes de meute, la diffamation, le harcèlement. Pas question de laisser ses coordonnées personnelles au tout-venant du web, ni même d’ailleurs. On imagine que le souci de discrétion remonte à loin. Fils unique d’une famille aisée, élevé près de Lyon, DOA s’absorbe tôt dans la lecture, expérimente ado les joies de l’écoute musicale, zigzague entre les attentes de parents soucieux d’offrir à leur fils une bonne éducation et son désir d’apprendre par lui-même, de s’inventer des mondes, d’élire ses figures tutélaires – des musiciens comme David Bowie, des écrivains tels que Tolstoï. On imagine un garçon calme, curieux, peut-être traversé de bouillonnements intérieurs, d’une envie de dépassement de soi, de rêves d’ailleurs. . […]
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Jean-Patrick Manchette - Derrière les lignes ennemies
Nicolas Le Flahec
Editions de la Table Ronde 2023
C'est encore un formidable travail des éditions de La table ronde et de Nicolas Le Flahec pour redonner du sens à l'oeuvre et au travail de Jean-Patrick Manchette. Nul besoin d'être un exégète de l'auteur de Que d'os ! pour apprécier Derrière les lignes ennemies, entretiens 1973 - 1993. Il suffit d'aimer le livre, la littérature, le polar et même le cinéma. Dans vingt-huit entretiens, pas moins, Manchette se confie sur sa jeunesse, sur ses premières années, de militant gauchiste, de prof (rapide) en Angleterre, puis sur la nécessité de gagner sa croûte. Il a eu l'opportunité de côtoyer, très tôt, des gens du cinéma. Pas forcément des têtes d' affiche mais de ceux qui avaient besoin de son écriture, qui allait devenir une plume. De fil en aiguille, il raconte donc son arrivée au polar avec ce sentiment fort que ses auteurs fétiches (Hammett, Chase) évoluaient dans un environnement, dans une société forcément différente, mais que lui, dans ses romans, allaient au moins tenter de se conformer à leur behaviorisme. De même Manchette est très vite conscient de la culture-marchandise et décide d'y participer, un peu comme un infiltré. "L'extension du marché unifie toutes les créations artistiques comme objet de consommation de masse " déclare-t-il au magazine Encrage en 1980. […]
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