La MANUF, raccourci pour....
... la Manufacture de livres (vous avez dû remarquer les traits blancs verticaux en bas à gauche). Par chance, on m'a envoyé deux des trois premiers ouvrages à paraître le 15 mars, parmi lesquels un coup de ♥. Voici les deux en question :
/image%2F0550618%2F20250302%2Fob_4400c8_scan2.jpg)
La Manuf donc, réduction du format (12x19) du nombre de pages (181-190) et une volonté de publier du Noir pur : « Renouant avec la grande tradition du roman noir, la Manuf revisite les codes du genre, les détourne, les actualise. Voyous, flics, mafieux, espions, politiques se croisent au cœur d'intrigues serrées qui empruntent leur forme au polar, au roman d'action, au true crime et aux séries policières cultes. Portée par des voix contemporaines, la Manuf, c'est la rapidité de l'action et une peinture précise de personnages dans des histoires qui permettent de radiographier le monde d'aujourd'hui. »
Sortie officielle pour les Quais du Polar, en avril
Mon coup de ♥ pour La Petite Fasciste de Jérôme Leroy.
Ça commence comme ça :
« 1.
Le narrateur n'aura pas ici la prétention de dire que c'est l'affaire Bonneval qui, à elle seule, entraîna la chute de notre République. Néanmoins, elle y contribua. Il convient donc d'en raconter ici le véritable déroulement, tant elle est révélatrice du climat délétère des dernières années de la présidence de celui que les historiens ont appelé, sans trop de délicatesse, le Dingue.
Mais au moment de commencer ce récit, voilà qu'on hésite.
Faut-il débuter par cet homme qui marche seul dans les rues de Fort-Mahon, la nuit du 16 août d'un été des années 2020, avec un pull bleu marine noué sur les épaules malgré la chaleur effrayante et un Glock 17 glissé à l'arrière de son pantalon chino, sous une chemise en lin blanc qu'il laisse flotter.
Ou bien faut-il remonter légèrement le temps et, en juin de la même année, présenter au lecteur Francesca Crommelynks, vingt ans, longue, blonde, seulement vêtue d'une petite culotte, allongée sur son lit par une après-midi caniculaire, et qui parcourt un volume beige, à couverture rigide, intitulé Vu de droite et dont l'auteur est Alain de Benoist ? »
Depuis que j'ai lu à 17 ans Jacques le Fataliste, j'adore les récits ou le narrateur prend à partie son lecteur pour l'emmener avec lui sur des chemins que celui-ci ignore encore.
Ici, nous sommes dans un futur proche, qui serait presque un présent. Le président de la République, dit Le Dingue, vient de dissoudre pour la troisième fois l'Assemblée Nationale et Bonneval, député socialiste d'une circonscription du Nord de la France, hésite à se représenter avec une chance (?) de devenir premier ministre. Face à lui, un groupe d'illuminés, d'une mouvance d'extrême droite, flamands identitaires, plus forcenés que le Bloc (déjà croisé dans le Bloc) et de sa cheffe, Agnès Dorgelles. Ce groupe veut faire ses preuves par des agressions remarquables et des coups d'éclat (du genre ratonnades...). Bref des énervés fascistes.
Francesca, toute jeune femme, sympathisante des fachos esquissés ci-dessus, est amoureuse de Jugurtha Aït-Ahmed, copain d'enfance puis de lycée, entr[é] à onze ans au collège Valentina-Terechkova. L'établissement se trouve dans le quartier des Rouges-Barres, sur les hauteurs de Frise. Il vivait là avec ses parents et ses cinq frères et sœurs, dans une maison de briques au milieu de beaucoup d'autres maisons de briques avec potager et remise, sans compter des immeubles construits par Auguste Perret qui offraient une vue imprenable sur la mer.
Quant à la jeune fille : Chez Francesca Crommelynck, l'ambiance familiale était plutôt néopaïenne que marxiste-léniniste. On fêtait Yule le 21 décembre, pour le solstice d'hiver, et on se réunissait à table autour d'une petite tour en terre cuite ajourée contenant une bougie. On préférait ça à la crèche du vilain dieu nazaréen qui avait coupé les couilles à la raison spartiate du monde grec et à la poésie sauvage des Vikings.
Ne manque que le grand frère, Nils, 30 ans (Francesca est un imprévu 15 ans après lui).
À trente ans, Nils bossait comme vigile dans la boîte de sécurité fondée par son père : Crommelynck Protection, cinquante jeunes gens bien entraînés, souvent d'anciens militaires ou d'anciens flics. La plupart des contrats de la boîte, dont les locaux étaient dans la zone commerciale du Grand-Catzand, étaient passés avec le Bloc Patriotique. Protection des candidats, des rassemblements et autres meetings, un peu partout dans les Hauts-de-France.
Qu'il soit resté l'idole d'une petite fille aussi intelligente, aussi belle, c'était le seul miracle de sa vie vouée à la haine, la rancœur, la peur, et la misère sexuelle puisqu'il devait se contenter des prostituées du port ou, quand il avait de la chance, d'une grosse tatouée qui traînait avec les gars du KFE et qui ressemblait plus à une punk à chien qu'à une combattante de la suprématie blanche, il faut être honnête.
Nils faisait partie des inquiétants. Sauf pour Francesca. Pour Francesca, il était celui qui lui avait appris à faire du vélo, à nager, et même à tirer. Et c'est dans le stand de tir de Crommelynck Protection qu'était né son surnom affectueux de «petite fasciste ».
Francesca est en admiration devant lui. Il y aura un mais...
Reste encore Bonneval, pas franchement décidé à retourner au charbon après deux mandats :
Le député Patrick Bonneval a soixante ans et fait sa crise de la cinquantaine. C'est l'avantage de l'allongement de l'espérance de vie. Les enfants restent à la maison jusqu'à trente et les parents vivent jusqu'à cent dans des Ehpad.
Odile Bonneval, née Declercq, des biscuiteries Declercq, vous savez, ces petits biscuits à la cannelle que l'on trouve partout quand on commande un café dans un bistrot, a l'air d'en avoir quarante alors qu'elle a deux ans de plus que son mari.
Ne manque plus que le président dit le Dingue et quelques sous-fifres.
Le Dingue s'en fout, le Dingue est dingue.
Le pays s'effondre au ralenti dans des flambées de violence réprimées par une police choyée et très bien payée, elle est le dernier rempart entre le Dingue et la rue. Les empereurs romains, à la fin, étaient comme ça, se souvient Patrick Bonneval qui fut jadis professeur d'histoire, ils ne pouvaient plus compter que sur la garde prétorienne qui, à l'occasion, les assassinait et proclamait empereur l'un d'entre eux.
La nouvelle Première ministre, Louise Michel, était directrice générale de la police nationale, malgré son nom. On dit que c'est elle qui tient la baraque. Et, comme vient de le révéler Le Canard enchaîné, Louise Michel a récemment pris langue avec Agnès Dorgelles, la cheffe du Bloc, le premier groupe de l'Assemblée. Ça sent le coup d'État rampant.
Le narrateur se doit de préciser que si le pessimisme du député Patrick Bonneval, membre de la commission des Affaires sociales, est justifié, qu'il révèle sa parfaite lucidité sur les prodromes de la chute de notre République.
Voilà, l'histoire peut démarrer, avec ses drames (Jughurta et Nils auront un sort funeste), la violence que de telles factions et une telle situation ne peuvent qu'engendrer.
Une fois de plus, Jérôme Leroy nous entraîne avec talent du côté de la politique actuelle dont il a une vision aiguë. Une langue parfaitement maîtrisée, totalement fluide...
Il a aussi un sens de la formule qui ne peut que nous faire sourire, quelques clins d'œil, un soupçon d'humour noir :
Ce n'était pas sous cette forme qu'il parlait du Bloc Patriotique, Nils, il employait plutôt des termes comme tarlouzes gauchiasses mais le narrateur est bien conscient de la sensibilité de son époque, alors il va éviter, le réalisme de son histoire dût-il en souffrir.
On ne soupçonna pas immédiatement un crime raciste
«Il n'avait vraiment pas l'air d'un Arabe de toute manière », dit une dame couperosée, questionnée par un envoyé spécial de chaîne info. «Plutôt un règlement de compte tragique entre bandes, qu'en pensez-vous, Ivan ? » commenta l'animateur vedette.
Bref, un récit mené tambour battant qui nous donne un peu la nausée, des frissons, une vision acérée sur notre France en bien piteux état mais comme dit le quatrième de couverture : " C'est compter sans l'amour qui frappe où il veut et quand il veut, même dans un pays en droit à une violence généralisée qui vient de loin. "
Une seule question demeure : mais qui est donc le narrateur ?
Du grand art.
Le facteur
Voilà une collection qui démarre sur les chapeaux de roue.
À suivre :
/image%2F0550618%2F20250302%2Fob_7b699a_document-2025-03-02-182919.jpg)
À PARAÎTRE : Mai 2025 BOMBAY BEACH CALIFORNIE, DOMINIQUE FORMA NIGHT BOY, GILLES SEBHAN
Septembre 2025 LE CERCLE DE THOR, MANFRED KHAN Janvier 2026
|
Mars 2025
LA PETITE FASCISTE, JÉRÔME LEROY
LE PETIT CAPORAL, YANN ZOLET
LA DERNIÈRE ÉTAPE, GUILLAUME GUÉRAUD