De l'herbe entre les rails
Pascal Dessaint nous entraîne sur "Les voies perdues, celle d'un pays perdu,
abandonné". Philippe Matsas fixe les lieux sur la pellicule. C’est le pays des gueules noires où la nature a déjà repris ses droits. De la "prospérité" à la faillite au nom d'un autre maître,
l’argent roi. Les arbres déjà grands repoussent les rails, envahissent le matériel laissé sur place. Les petites gares typiques de l'architecture SNCF se cachent dans des herbes effaçant le
moindre mètre carré de vie. Les terrils barrent encore le ciel, dernier sursaut, la nature mettra plus de temps à gommer leurs traces, le vent les emportera. Les panneaux
stop sont couchés dans les herbes. Ici le désert avance, les voies s'arrêtent net, elles n'ont plus rien à espérer, rien à transporter, hormis la poussière du temps, les passages à niveau
grincent encore un peu, le sol attend le printemps. Ce printemps, d’une autre saveur, illuminant ce pays ayant une seule couleur pour horizon.
Ici, il y a cinquante ans, des convois de
wagons à l’infini, des raclements, des chocs, des coups de sifflet, dans l'odeur du poussier. Et ce pays deviendra exsangue, plongé dans le drame. Avant la mine ne faisait pas de cadeau non plus,
que l’on soit au fond ou sur le carreau. « Les voies perdues » nous donne à voir un immense cimetière du travail humain, " plein de mélancolie, de chagrin ". Pascal
Dessaint et Philippe Matsas expriment cette nostalgie dans ce texte et ces photos encore pleines du charbon d’alors. Ils relatent cette nature qui engloutit, qui déborde, qui ruine et qui
fabrique désormais les souvenirs. Sur un terril est écrit le mot « Paix », le terme « Repos » est peut-être oublié. Le repos n'est pas donné à tout le
monde, la mémoire non plus, quant à la paix le chemin est long.
Les voies perdues, texte de Pascal Dessaint, photos de Philippe Matsas, Ed. Après la lune.
Patrice Lebrun (fév.2012)