Une ténébreuse affaire
Prisoners, (de Denis Villeneuve, Etats-Unis, 2013, 2h 33) avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal.
C'est au fond d’un petit lotissement étasunien pour classe moyenne que le drame éclate, précédé d’un paisible samedi après-midi de Thanksgiving où le fils réussit sa première chasse au cervidé. Son succès lui vaut les félicitations de son père, Keller Dover, (interprété par Hugh Jackman tout en tension, remarquable), énervé avant même le début de la tragédie ; il a été élevé, rappelle-t-il à sa progéniture qui l'écoute avec tout le respect ( additionnée d'un zeste de distance) nécessaire, dans les valeurs traditionnelles : obéissance, croyance en la main divine, sa puissance et ses châtiments éventuels. Puis commence la soirée chez une famille amie où est prévue la dégustation des meilleurs morceaux de la biche.
Jusqu'à ce que les petites filles des deux couples disparaissent. Et qu’Alex, conducteur d'une caravane hors d'âge, simple d’esprit repéré dans le secteur, soit suspecté, arrêté et relâché, faute de preuves. Les deux fillettes restent introuvables.
Débutent alors les enquêtes : celle du père de famille et celle de la police officielle. Autant la seconde, menée par l’inspecteur Loki (Jake Gyllenhaal, tenace et impavide- un peu trop- ) patine dans un premier temps, autant la première laboure avec efficacité, semble-t-il, le champ de l’illégalité. Car Keller, persuadé de la culpabilité d’Alex l’enlève, le séquestre et le torture avec la complicité forcée de l’autre père ; rien ne nous est épargné de la violence des honnêtes gens dans leur bon droit, aussi dévastatrice et sans limite que leur souffrance. C’est glauque, sanglant, insoutenable (enfin presque).
On suivra tout au long de plus de 2 heures et demi de film les circonvolutions d’une histoire quasiment tentaculaire, en notant les rétablissements périlleux du scénario ; d’où vient alors que « ça tient » quand même ? Sans doute parce que le réalisateur avance bravement dans les méandres de sa bien ténébreuse affaire, portée par la tension dramatique qu’il exprime avec un vrai talent.
Bernard Daguerre (novembre 2013)