Casse tout risque
Diamant noir, film franco-belge de Arthur Harari, 1 H 55, avec Niels Schneider (Pier), August Diehl (Gabi), Hans-Peter Cloos (Joseph), Abdel Hafed Benotman (Rachid), Raphaële Godin (Luisa), Raghunat Manet (Gopal), Guillaume Verdier (Kevin). Sortie le 8 juin 2016
Voici un film tout à fait remarquable dont le rattachement à notre genre de prédilection repose sur deux éléments : le thème central de ce film noir, la vengeance d’un fils contre le riche milieu de son père qui l’aurait banni, ensuite par le truchement de l’un de ses acteurs, Abdel Hafed Benotman, écrivain décédé il y a peu (dont l’oeuvre est encore célébrée par les éditions Rivages avec la parution de son dernier roman, inachevé Un jardin à la cour). Diamant noir est dédié d’ailleurs à sa mémoire.
Comment parler de ce film dont les thèmes et les fils narratifs sont à la fois abondants, fluides et constitutifs d’un cinéma qui travaille sur ses fondamentaux ? Au départ l’œil et la vision, tant la première séquence du film est comme décortiquée en partant du regard d’un jeune diamantaire d’Anvers victime d’un accident de travail au moment où il taille une pierre.
Le fils du supplicié, bien des années après, au nom prédestiné de Pier (Niels Schneider,) se livre à des vols nocturnes auxquels il excelle grâce à sa fantastique mémoire visuelle. Il opère sous la direction de son père de substitution, Rachid : Abdel Hafed Benotman campe ici un voleur professionnel jouant à merveille de la fibre affective légère mais ferme, avec ce zeste de gouaille dans le regard. L’annonce de la mort de son père biologique amène Pier à renouer avec sa famille, bien malgré lui d’ailleurs, et à partir pour Anvers où il va préparer un vol de diamants.
Mais sa résolution se fragilise, à la rencontre d’autres adultes qui tout au long du film sont prêts à le prendre sous leur protection : un tailleur de diamant, un joaillier indien, et son oncle même. Et alors même que Rachid réapparaît dans la préparation du vol. Avouez qu’il y a de quoi être perturbé. Le film est ainsi ponctué de ces « formations » si diverses qui lui sont proposées, de ces rites de passage qui sont ainsi induits et du mal qu’a Pier à s’affirmer face à ces adultes.
La valse hésitation de Pier se mesure encore à sa fascination pour le travail délicat et professionnel de coupe des diamants auquel il est initié: un aspect résolument documentaire du film que ce soit à Anvers dans des conditions modernes sécurisées, ou quasiment dans un autre espace-temps en Inde.
Le fascinant monde des possibles qui s’ouvre ainsi à ce solitaire, allez le découvrir dans les rares salles qui projettent encore ce Diamant noir.