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Publié par blog813

Paris - sous-sol du Palais Royal - 1er arrondissement - photo : Alain Bron  page 149 : "Sachant que son local se situait dix mètres sous terre au sud des jardins du Palais Royal, il pouvait s’y échapper par le nord, via un égout qui donnait juste en face du ...

Paris - sous-sol du Palais Royal - 1er arrondissement - photo : Alain Bron page 149 : "Sachant que son local se situait dix mètres sous terre au sud des jardins du Palais Royal, il pouvait s’y échapper par le nord, via un égout qui donnait juste en face du ...

Nous ne créerons pas de nouvelle rubrique interview, celle-ci est certainement exceptionnelle.

Courant 2016, Alain Bron auteur que je connais de longue date et dont je n'avais rien lu jusqu'ici me propose de m'envoyer son roman le Monde d'en bas, publié en août 2015. Je suis, en général, assez réticent avec les Service de Presse car, par le blog je reçois presque chaque jour des offres que je décline régulièrement (nos lecteurs pouvant faire leurs choix par eux-mêmes). De temps en temps un roman m'attire, mais c'est rare. Mais là, c'est Alain Bron, je le connais et son livre semble avoir très bonne presse.

Bref, quelque temps plus tard je reçois le livre par la Poste, comme il se doit. Après lecture, j'ai eu envie d'en savoir plus, d'où cette interview. Alain m'a aussi envoyé des photos, disons plutôt un lien vers des photos qui alimentent son blog. Chaque photo est suivie d'une extrait du roman -vous trouverez cela dans le lien en bas de page.

Place à Alain Bron, découvrons avec lui le monde d'en bas et les réminiscences des Brigades Rouges

Dans le roman d’Alain Bron, Le Monde d’en bas, (in octavo, août 2015), l’auteur situe son intrigue dans les entrailles de Paris. Le héros, Ettore Bisulli, ancien des Brigades Rouges, se cache de ses anciens complices qui veulent, 40 ans après, l’éliminer. Il écrit ses mémoires pour témoigner de son expérience et un éditeur le poursuit, voulant à tout prix publier son génial manuscrit.

Intéressé par cette histoire j’ai contacté Alain Bron avec qui j’ai engagé cette conversation.

Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt ton roman : Le Monde d’en bas. Roman qui semble te tenir à cœur puisque c’est le premier que tu m’envoies volontiers.

  • Faisons un peu mieux connaissance. Ton éditeur te présente ainsi : « Essais, romans, polars, nouvelles, Alain Bron se moque du cloisonnement littéraire pour le plus grand plaisir des lecteurs. Ses ouvrages sont souvent sélectionnés ou primés pour leur finesse d'observation, leur humour décalé et leur scénario inattendu.

Dans ses romans, jamais il ne juge. Les personnages mauvais ne sont pas si mauvais, et les bons ne le sont pas tout à fait. Et au moment le plus noir, le plus dramatique, se glisse un geste tendre, un trait d'esprit ou une espérance qui vient rappeler que l'humanité, si elle est loin d'être parfaite, mérite toute notre attention. » Cette présentation un peu classique de 4e de couverture te convient-elle ?

Cette description concerne pratiquement tous mes romans. Une marque de fabrique, en quelque sorte. Le Monde d’en-bas n’y échappe pas. Je dirais que la différence réside dans l’ajout d’une dose d’autodérision, chère à la culture italienne que ma mère, née en Emilie-Romagne m'a inculquée.

  • Ah ! je comprends mieux toutes les citations en romagnol. Le thème principal du roman est la révolte armée des Brigades rouges dont tu dresses un historique assez précis, à travers le “roman” qu’écrit Ettore Bisulli. Pourquoi ce choix ?

J’avais 20 ans en 1968 (à l’UNEF à l’époque). À l’université, j’ai vécu tous les débats idéologiques du moment et j’ai connu les violences entre l’extrême droite et l’extrême gauche. L’idée principale est : “Jusqu’où peut aller la radicalisation ?”. De plus, ma mère, italienne, m’a donné des clés de compréhension de la société italienne de l’époque.

  • À propos de ce roman que l’éditeur poursuit avec avidité, il y a tout de même un paradoxe : L’éditeur Philippe Néret, le juge génial, premier ouvrage qu’il publiera réellement dans sa longue carrière. Or tu nous en donnes de larges extraits. C’est un peu comme la pub sur des superbes écrans plats avec des couleurs HD que tu regardes sur un vieux poste noir et blanc. Est-il si génial ?

Non, il n’est pas génial. C’est la subjectivité de l’éditeur qui transforme la réalité. J’ai voulu montrer qu’un texte qui touche profondément quelqu’un peut laisser quelqu’un d’autre parfaitement indifférent. Mystère de la littérature.

  • D’ailleurs, son assistante Octavia le réécrira en entier. Pas assez littéraire ? Finalement une autobiographie, récit historique ne fait pas obligatoirement un bon roman ?

Malheureusement, non, une autobiographie ne fait pas toujours un bon roman. Il y manque souvent la distance entre le narrateur et les personnages, distance qui donne de la profondeur au texte. Dans une autobiographie, il manque aussi ce supplément d’âme, ce “mensonge romanesque” comme dit René Girard.

  • D’ailleurs l’éditeur, Philippe Néret, répond ceci : « —... Est-ce que tu crois que le jeu en vaut la chandelle ? — Mais c’est monstrueux ce que tu dis ! Évidemment que le jeu en vaut la chandelle ! Et même plusieurs chandelles ! Par rapport à tout ce qui est sorti sur ce sujet, ce texte-là tranche ! Parce que je ne veux pas de gnangnan qui raconte ces années de plomb avec des images édulcorées et des histoires d’amour formidables, tu vois ça d’ici. Mais je ne veux pas non plus d’un récit qui fait frissonner les mémères sous leur couette. — Et alors, Quoi ? Je veux publier un roman. Un vrai. Une fiction qui se nourrisse de la réalité historique. Tout le reste n’est que foutaise. » propos de personnage éditeur ? ou touche-t-on là à ce que tu as aussi cherché à faire ?

Sous un vocable maintes fois entendu chez les éditeurs, c’est le but que je me suis donné. En réalité, c’est un défi lancé à moi-même : éviter les grosses ficelles des thrillers à la mode et le côté gnangnan de l’enquête pour l’enquête.

  • Tu as dû te pencher très sérieusement sur cette affaire puisque tu la décris de l’intérieur, du point de vue d’un militant et on saura à la fin que la Douze (la brigade du narrateur) était totalement infiltrée, voire manipulée. Avais-tu des connaissances sur la question, as-tu fait des découvertes ?

J’ai eu la chance de rencontrer des anciens des Brigades Rouges et des témoins directs. J’ai consulté des centaines de documents. Ma stupéfaction a été de découvrir que le mouvement a été infiltré par tout ce qui comptait comme barbouzes à l’époque (la STASI, la CIA, les services italiens, la papauté, la loge P2…). Lisse au début de la conception du livre, le personnage principal s’est complexifié avec mes découvertes. Je n’ai pas décrit un acteur moyen du mouvement, mais une singularité remarquable.

  • Je relève ceci : « Dans les années 80, de nombreux militants de la mouvance révolutionnaire ont pu se réfugier en France sous réserve de ne pas se servir du pays comme base arrière pour des actions violentes. On leur garantissait alors de ne pas être extradés pourvu qu’ils n’aient pas commis de crimes de sang. » En lisant cela, on ne peut s’empêcher de penser à l’affaire Battisti. Les recherches que tu as faites pour écrire ce roman t’ont-elles amené à revoir ce que tu avais pu penser de cette affaire ?

Comme tu le sais, j’ai pris fait et cause pour Battisti à l’époque. Davantage pour l’écrivain qu’il était que pour le repris de justice. Je n’ai pas eu accès à son dossier (et de quel droit, de toute manière ?) A la fin de ma propre quête d’informations, une conclusion s’est imposée : tout est possible.

  • Tu évoques aussi beaucoup la souffrance des prisonniers, isolés des autres, perdant leurs repères, ce qui les a amenés à collaborer, à devenir des repentis (une belle envolée p. 203-204). Un petit mot à ce sujet ?

Je suis intervenu plusieurs fois en maisons d’arrêt pour des ateliers d’écriture et pour commenter mes romans. On n’en ressort pas indemne. J’en ai retenu des impressions profondes, sensuelles. Les bruits, notamment.

 

 

  • Une grande partie du roman est centrée sur le monde souterrain, avec une sorte de mise en abyme. Federico Garzanti fait le tour de tout ce qu’il peut trouver dans les bibliothèques plus ou moins prestigieuses pour cerner le sous-sol d’une partie du 1er et du 3e arrondissement. Est-ce un peu le résumé de tes recherches ? Pourquoi avoir choisi cet emplacement particulier ?

Je cherchais un endroit souterrain à Paris qui ne soit pas les catacombes (maintes fois décrites). Par hasard, j’en parle à un ami qui me dit : “j’ai restauré les sous-sols du Palais-Royal”. Il m’a accompagné et j’ai su immédiatement que la scène cruciale du roman se passerait là. Une réminiscence des souterrains de Milan chargés d’histoire[1]. Un double, en quelque sorte, qui convenait parfaitement au personnage.

Paris - sous-sol du Palais Royal - 1er arrondissement - photo : Alain Bron

 

page 290 : "À droite ou bien à gauche ? À l’instinct, il prit à gauche, croisa une galerie au coin de laquelle était peint en rouge le mot « ABRI », vestiges de la dernière guerre, et passa devant un soupirail qui, très haut, donnait sur un trottoir. "

  •  
 

[1] À Milan, dans les sous-sols de la Bourse ont été mis au jour des vestiges romains. Dans les années 70, le site était à l'abandon. C'était le lieu de toutes les planques. Il a été réhabilité dans sa forme visitable, je crois, à la fin des années 90 (c’est Alain Bron qui précise)

 

  • On sent que tu as eu plaisir à nous faire découvrir tout ce monde souterrain. Dédale propre, bien entretenu avec beaucoup de corps de métiers différents qui s’y côtoient. Vrai ?
  • Paris - sous-sol du Palais Royal - 1er arrondissement - photo : Alain Bron

    page 290 : "Il remarqua une quantité de niches numérotées, de conduites et de câbles, puis s’arrêta à un nouveau carrefour. Des coursives voûtées partaient dans les quatre directions. Il se sentit désorienté. Son cœur commença à s’affoler. Panique de labyrinthe. "

Vrai. J’y ai séjourné longtemps, comme je le fais pour tous mes romans. Se laisser “habiter” par les lieux, les gens. Il en était de même pour le roman Mille et deux qui parle des SDF : j’ai vécu avec eux plusieurs semaines avant de pouvoir en parler.

  • Est-il vraiment possible qu’on puisse habiter là, dans une sorte de bunker inviolable ?

Oui. C’était la condition plausible du roman. Les lieux sont tellement vastes, cloisonnés qu’on peut y passer inaperçu pendant des mois.

  • Le personnage de la naine Cloé est-il purement fictif ou inspiré d’un personnage réel ? On peut imaginer que des bénévoles puissent se dévouer pour la cause des SDF et les aider à s’organiser…

C’est une personne réelle rencontrée dans le métro. Elle n’a pas voulu que je la cite dans les remerciements… J’ai une pensée pour elle. Elle est à l'hôpital, à présent, gravement malade.

  • Un petit mot sur le traitement des a’ dans le manuscrit ? Une idée comme ça ou … ?

C’est une panne, sur mon clavier, un jour. C’est drôle de penser que sur les claviers français, deux touches ne servent qu’à deux voyelles (à et ù), alors qu’on aurait pu les traiter comme tous les autres accents…

  • En tous cas, c’est original et donne une spécificité au manuscrit
  • A-t-on le droit de tuer pour une cause ?

Si la pratique est malheureusement courante en tout lieu et en tout temps, il reste un problème éthique : une cause, quelle qu’elle soit vaut-elle que l’on inflige des dommages corporels aux autres ? Beaucoup d'anciens des Brigades Rouges ont fait un parcours de reconstruction pendant et après la prison. J'ai rencontré à Paris un ancien activiste qui dénie aujourd'hui à toute idéologie le droit de tuer pour "la cause".

  • “Comment en arrive-t-on là ?”

Je décris dans le roman le phénomène de radicalisation (arguments idéologiques, perte de l’identité, disparition des liens familiaux, pression collective, auto-comparativité, déterritorialisation…)

….

Merci

 

B. L. (le Facteur 813)

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A
Merci, Boris. Je reconnais là ta grande curiosité intellectuelle.
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