[le billet] L’AMOUR HONGROIS
Le flash du portable éclaire la scène. On essaie de dégager le corps du milieu de la route.
On s’énerve.
Nichy, se maquille dans le rétro. Dans la voiture, des restes du Mcdo et des joints.
Pour la voiture, on dira que c’est un sanglier.
Et chacun rentre dans son immeuble. Le lendemain, c’est dimanche, la piscine est bien chaude, concours d’apnée et les mains qui trainent dans le maillot de bain des filles. Pour le sauna, on arrose les pierres avec ce que l’on a.
Les belles voitures du parking sont vraiment trop près.
Gagner du temps, un petit quart d’heure tous les jours.
Il faut passer les barrières et sauter par dessus les wagons. Eux, ils roulent.
Le bahut, bof..., les cours c’est le grand sommeil. On préfère le cul de la prof de bio et jeter de la lessive dans le bassin des parcs.
La piscine nous prend du temps. On compétitionne, les filles sont en rose et nous on pisse dans l’eau.
Un de la bande a des parents friqués. Une maison immense et un chat Cléo. Une arme sort d’un tiroir et tout ça ne fait pas bon ménage. On s’occupe comme on peut, tournoi de baby-foot et baise sur le siège arrière d’une auto, bris de vitrine et croissants frais pour le plaisir. Le catalogue des conneries en tous genres est plein, le souffre douleur de la bande saigne du nez.
Le pire arrive, la mort de l’un d’eux. On le retrouve dans un bassin.
Comme tous, à cet âge là, on croit tenir le monde. Tout nous appartient, la fumette, les filles, le cul qui va avec, la violence banalisée. Le portable comme seul outil de communication. On surconsomme donc on ne consomme pas.
On fait l’amour hongrois à ce qui nous entoure. Hongrois qu’on baise mais on baise pas.
Comme des rats morts ; Benedek Totth ; Ed. Actes Sud, octobre 2017