Contribution au festival du film de La Rochelle
Au titre des nombreuses perles noires présentées cette année, on détachera, dans la rétrospective des films d’Arthur Penn (l’auteur de Bonnie and Clyde, La poursuite impitoyable...) , Night moves (la Fugue-) sorti en 1975, film peu connu et qui gagne fort à l’être. F.Guérif dans Le film noir américain écrit à son sujet que c’est le dernier grand film de privés de la décennie des années 70.
Gene Hackman interprète un détective privé à Los Angeles, Harry Moseby, à l’existence professionnelle pas vraiment terrible. Il est engagé par une actrice déchue et alcoolique pour retrouver sa fille, Delly, une fugueuse interprétée par Melanie Griffith. Les débuts de son enquête sont gravement perturbés par la découverte que sa femme le trompe, au sortir d’une projection d’un film de Rohmer...
De fait et très vite, rien ne va plus dans sa quête : notre flic privé a comme un coup de retard ; certes il finit par retrouver l’adolescente et à la ramener chez sa mère. Mais un tragique retournement de situation -on n’en dira pas plus- l’oblige à reprendre l’enquête, par honnêteté morale, trait permanent des vrais détectives depuis toujours...
Ce qui est à l’œuvre dans le film et le rend si attachant, c’est la manière dont Moseby se débat entre les pistes de son enquête, avec le sentiment d’avoir été grugé, avec plus fondamentalement cette sensation d’être perpétuellement à côté des choses de la vie. Gene Hackman interprète avec brio ce personnage décalé, toujours à la traîne de son enquête, jusqu’au tragique de la fin du film, un bijou : magnifique séquence sans parole, où la vérité se fait jour enfin en même temps que s’inscrit sur l’écran le destin de notre détective ...
Si on a pu dire que ce film est aussi le reflet du malaise de la société américaine qui ne se relève ni du traumatisme de la guerre du Vietnam ni de l’assassinat des Kennedy, on y verra d’abord et avant tout le goût de Penn pour des personnages à la forte présence physique à l’écran en même temps que cette impuissance tragique à maîtriser les fils de leur vie.
Enfin, il importe de replacer cette Fugue dans la perspective des films de détectives de ces années- là. Les œuvres les plus brillantes (The Long good bye d’Altman 1973, Chinatown de Polanski 1974) sont volontiers parodiques, d’autres plus classiques sont moins stimulantes. Arthur Penn ne triche pas avec le personnage du détective englué dans son époque et arrive à renouveler cette figure de genre si longtemps labourée par Hollywood depuis les années 30.
La fugue (Night moves) d’Arthur Penn- 1975- avec Gene Hackman et Mélanie Griffith.