Deux chronique de Bernard Daguerre
et dans la revue limousine du roman noir, Noir Kaolin (n° 39), une présentation du beau roman noir de Jake Lamar :Et si c ’est possible, un peu de pub pour ce Noir Kaolin
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Viper’s dream de Jake LAMAR rivages/noir 2021
C’est un récit qui se coule avec aisance et brillant dans la grande tradition du roman noir hard-boiled américain : l’itinéraire d’un gars du Sud, Clyde Morton, afro-américain arrivé à New-York au milieu des années 1930, qui réussit sa carrière dans l’ombre de puissants du quartier de Harlem : racket, trafic de dope, affairisme immobilier... C’est une belle chronique, racontée en flashback, bâtie comme une ballade tragique dont le rythme cadencé tient sans doute à la fois de la forme d’origine de l’œuvre (une pièce radiophonique écrite pour France Culture en 2019) et de l’omniprésence de la musique de jazz (on y croise de nombreux musiciens et un glossaire des morceaux préférés de notre auteur clôt le livre).
Le mot rêve se retrouve encore une fois dans le titre d’un roman de Jake Lamar (auteur de Nous avions un rêve réédité en 2021 : un politicien noir conservateur accédait à la présidence des États-Unis à un moment où le pays tout entier se délite, ouvrage écrit en 1996.). On a l’impression que le destin de Clyde est tout tracé, le poids tragique de l’Amérique noire de l’époque se vit à travers son itinéraire ; Harlem certes, la drogue et le trafic... Et pourtant, c’est toute l’ambiguïté du titre qui se reflète dans l’histoire...Venu à New-York dans l’illusion naïve de percer dans la musique, c’est en fait dans le business plutôt louche qu’il réussira. Et il vivra un amour souvent contrarié avec la belle Yolanda. Et son ascension connaîtra les aléas de la mainmise de la corruption policière sur sa destinée, le poids aussi de la violence inhérente à celui qui veut protéger son trafic.
Viper, - surnom hérité du sifflement semblable à celui du reptile quand on tire à fond sur un joint, et en référence à un morceau de jazz de Django Reinhardt-, a toutefois la volonté bien arrêtée de protéger son quartier des ravages de l’héroïne : il interdit à ses troupes d’en faire commerce, en sanctionnant par leur liquidation ceux qui y dérogent. Clyde, respecté autant que craint, arrive à l’heure des bilans au début des années 1960, au moment où il risque d’être définitivement hors-circuit. Il se penche sur son passé, se demandant ce qu’il aurait pu faire pour changer son fatum. La réponse réside en partie dans la chronique même du quartier de Harlem évoquée en arrière-plan : la domination des Blancs, gangsters et/ou policiers, les émeutes dont le quartier est victime, la spéculation immobilière qui plus tard en chasse les habitants les plus modestes, mais aussi la fièvre de vie, la musique de jazz, omniprésente...
Jake Lamar est écrivain et journaliste. Né aux États-Unis, journaliste, il s’établit en France en 1993. Il y vit toujours, à Paris. Il est l’auteur d’une œuvre romanesque marquée à ses débuts par des romans noirs, tels que Nous avions un rêve (Rivages), Le Caméléon noir (Rivages), mais aussi un livre de mémoire, Confession d’un fils modèle. Il est aussi l’auteur d’une pièce de théâtre Frères d’exil, où il fait ressurgir les personnalités et les échanges de trois écrivains exilés en France et y ayant vécu au milieu du XXème siècle, Noirs américains comme lui : Richard Wright, James Baldwin et Chester Himes.
BD