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Publié par blog813

Noirs aperçus du Festival de La Rochelle - I

Tony Manero (Chili , 2009, 1h38 de Pablo Larraín, ) avec Alfredo Castro et Paola Lattus.
Dans les angles morts de la situation politique chilienne sous la dictature de Pinochet ( nous sommes en 1978), se glisse l'histoire malfaisante du héros du second film de Pablo Larraín, Tony Manero.
Raúl Peralta Parades « C » est un danseur malingre, la cinquantaine bien agitée sous une froideur apparente, qu'on découvre dans la file d'attente d'une émission télévisée, au début du film, matant, avec son regard de poisson mort, les jeunes filles qui croisent son chemin.
Il est habité par une passion sans limite pour le personnage de Tony Manero, incarné par John Travolta dans le film La fièvre du samedi soir (John Badham, 1977 ) ; il la partage avec un petit groupe dont il est le gourou. Le récit du film est celui de la manière dont il nourrit salement, obsessionnellement, cette idée fixe. Vivant dans ce qu'on pourrait appeler les bas-fonds de Santiago, avec sa tribu composée de sa compagne et sa fille, l'ami de coeur de cette dernière et une maîtresse de maison, il répète compulsivement des numéros inspirés de son idole. Démuni de tout, il s'investit dans la recherche de tous les matériaux possibles pour développer sa passion, d'un appareil de télévision à la bobine d’un film, des carreaux de verre comme plancher de scène...Son ambition est de participer à une émission télévisée de la capitale qui désignera le meilleur sosie de Tony Manero.
L'arrière plan politique est à l'œuvre dissimulé tantôt dans la bande son qui fait entendre les échos de la sinistre répression, les coups de feu et les poursuites des militants de gauche, les cris des torturé(e)s... Présent aussi dans la manière dont Parades tout au long de l'histoire met à profit ce climat d'anarchie policière (le paradoxe n’est qu’apparent) pour faire ses affaires: plusieurs crimes pour s'emparer des objets convoités, et au besoin, moderne Thénardier sur le champ de bataille des sbires de Pinochet, dépouiller de son argent et de sa montre un cadavre de militant.
Cet assassin en série, charognard, est aussi un impuissant sexuel, séducteur de la fille de sa compagne; on pourrait encore accumuler les éléments si peu ragoûtants du personnage.
Ce qu'on peut retenir, c'est la force de la démonstration du cinéaste, filmant au plus près ce qui paraît être comme la déambulation toujours clandestine de son personnage, se faufilant le long des rues, à la poursuite de ses proies, se dissimulant, toujours aux aguets, mince silhouette au visage blafard et mal rasé.
Menace perpétuelle, c'est ainsi que le laissent entendre les derniers plans du film, après l'échec de sa prestation télévisée...
Ce premier volet de la trilogie de Larraín, sur le Chili des années Pinochet, avant Santiago 73, post mortem et No est un film noir qui va à front renversé d’une thématique proche de celle par exemple du film de Fritz Lang ( M.le maudit) : un mélange fascinant et réussi de la toute puissance du crime dans une société d’ordre et de terreur.


Bernard Daguerre

Noirs aperçus du Festival de La Rochelle - I
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