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Publié par blog813

Dans sa newsletter Libé polar (en ligne), l'équipe d'Alexandra Schwartzbrod, propose déjà des pistes pour nos lectures de la rentrée et évoque la sortie du dernier numéro de 813.

Déjà la rentrée! C’est parti, la course de fond est lancée, l’été n’est même pas encore officiellement entamé que les polars de la rentrée commencent à s’entasser au pied de notre bureau. Et la rentrée commence de plus en plus tôt puisque la Série noire de Gallimard attaque dès le 11 août en publiant un recueil de nouvelles de Jo Nesbø, De la jalousie, très prometteur. Nous l’avons lu en partie (c’est l’avantage des nouvelles, on peut piocher) et nous pouvons vous assurer que ce n’est pas un fond de cuve. Le style est sobre, les phrases fluides, le suspense total et les retournements spectaculaires, on adore. Dans un autre genre, il faudra compter avec un nouveau polar de Colin Niel qui nous avait scotchée il y a deux ans avec Entre Fauves (Rouergue Noir). Un livre qui nous embarquait des chemins escarpés des Pyrénées jusqu’au cœur de la Namibie et de ses montagnes piégeuses en compagnie de fauves qui n’étaient pas que des animaux. Avec Darwyne, en librairie le 24 août, ce grand passionné de la Guyane nous emmène en Amazonie au côté d’un enfant de dix ans ballotté par les affres des adultes. Les fauves, il en sera aussi question dans le nouveau thriller politique de Thomas Bronnec, Collapsus, à paraître le 8 septembre à la Série noire (lire son interview ci-dessous). L’auteur de la Meute (Equinox), y raconte l'accession au pouvoir d’un président écolo aux penchants autoritaires. Aucune référence à l’actualité, bien sûr… Le 14 septembre, ne ratez surtout pas la sortie en poche de Rosine, une criminelle ordinaire, de Sandrine Cohen, qui avait obtenu l’an dernier le Grand Prix de littérature policière. Sandrine Cohen qui publie aussi, le 6 septembre, son nouveau roman Tant qu’il y a de l’amour, toujours chez Caïman. Et le 26 septembre, notez-le sur vos tablettes, vous pourrez vous procurer la Femme du deuxième étage (Agullo), du Croate Jurica Pavičić dont le précédent polar, l’Eau rouge, un chef-d’œuvre qui racontait les bouleversements de la Croatie tout au long des dernières décennies, avait été couronné de nombreux prix dont le Grand Prix de littérature policière et le Prix Le Point du meilleur polar européen. Cette fois, c’est un roman psychologique qui décortique le quotidien d’une famille bouleversée par les mutations de la société croate. Nous allons prendre un peu de temps pour lire tout ça, et vous donnons rendez-vous pour une prochaine newsletter polar le 21 juillet. Restez connectés!

Alexandra Schwartzbrod
Directrice adjointe de la rédaction 

 

Thomas Bronnec, la politique dystopique

Avec Collapsus, son nouveau thriller politique à paraître début septembre à la Série Noire, Thomas Bronnec oscille entre réalisme et futurisme. En pleine période électorale, il nous a paru intéressant de le passer à la question.
Peux-tu nous résumer l'idée de ce nouveau roman?
J'ai imaginé qu'un gourou écologique, véritable vedette sur youtube, un personnage évoluant hors des partis traditionnels, parvenait à fédérer les écolos et la gauche pour accéder à l'Elysée. Il est persuadé de l'urgence à agir pour préserver la planète, au point de développer des positions très radicales: le covoiturage devient obligatoire, la consommation de viande est extrêmement limitée, des "centres de rééducation écologiques" sont mis en place et les citoyens sont classés en fonction de leurs comportements écologiques. Il est entouré de deux collaboratrices: une, autodidacte et féroce, qui le pousse à durcir encore sa politique; une autre qui veut le convaincre d'écouter la colère qui gronde.
C'est une critique de l'écologie "punitive" ?
Non, c'est plutôt l'idée que nos libertés individuelles s'opposent parfois au bien collectif. Tout cela est-il compatible? On a vu avec le covid (masques, vaccins...) que ce n'était pas si évident. En filigrane, je pose aussi ces questions: jusqu'à quel point est-on prêt à accepter la contrainte? la lutte pour la sauvegarde de la planète se marie-t-elle avec la démocratie? 
Les personnages sont tirés du réel ou inventés? 
Ils sont inventés. Pour imaginer mon président-gourou, j'ai regardé beaucoup de vidéos sur youtube, étudié de nombreux complotistes aussi, la crise sanitaire m'a beaucoup inspiré.
En l'écrivant, imaginais-tu qu'un écolo puisse accéder à l'Elysée en avril 2022?
Non, cela me paraissait peu probable. D'abord parce que la boussole politique de la France penche plutôt à droite. Ensuite parce que la société ne me semble pas mûre pour les privations de liberté qu'une vraie politique écologique pourrait entraîner, même si les écologistes en politique sont (heureusement) bien moins radicaux que mon gourou ! Au contraire de mes romans précédents, j'ai voulu m'éloigner de la chronique politique réaliste. 
Recueilli par Alexandra Schwartzbrod

 

«Panique générale», James Ellroy s'en donne à cœur trash

En 2019, à l’occasion de la parution de la Tempête qui vient, on faisait remarquer à James Ellroy qu’il tapait dur sur Orson Welles. La mitraillette humaine avait aussitôt crépité : «Le gros ! Je ne l’aime pas. Je pense que ses films sont de la merde, tape-à-l’œil, surestimés, et lui aussi. De toute façon, je n’aime pas les gens du show-business. Ils sont fuyants et impitoyables, beurk!» Le show-business, les flics et le milieu politique sont depuis toujours les cibles de prédilection du masterchef du roman noir, il les met sur le gril en permanence et les sert épicés à arracher la gueule. Panique générale (Rivages Noir), son seizième roman, a un côté croustillant et pour cause : il a pour personnage principal et narrateur Freddy Otash. Dans les années 50, cet ex-flic (ripou) du LAPD, devenu détective privé, a fait chanter le tout-Hollywood via le tabloïd Confidential où il balançait la vie privée des peoples. Mort en 1992, Otash a notamment inspiré le personnage de Jake Gittes, joué par Jack Nicholson, dans Chinatown de Roman Polanski. Panique générale n’appartient pas au second «Quatuor de Los Angeles» qu’Ellroy a mis en route avec Perfidia puis la Tempête qui vient. Il développe une nouvelle, Extorsion, publiée en 2014, qui avait un côté inachevé voire inutile, comme une rafale pour faire patienter le lecteur entre deux vrais opus. Sabrina Champenois

Yann Rabanier/Libération

 

Le désastre écologique qui vient

Les températures atteignent des niveaux inquiétants, la Terre et les hommes crient leur soif en divers endroits de la planète, mais ce n’est rien comparé à la catastrophe racontée dans le thriller 42 degrés publié chez Hervé Chopin. Si vous voulez avoir une idée des ravages humains, écologiques et géopolitiques que le changement climatique nous promet, jetez-vous sur ce polar de l’Allemand Wolf Harlander. Autre thriller écolo haletant et bien flippant, le Botaniste, de Jean-Luc Bizien (Fayard Noir). Un roman adapté d’un scénario écrit par le documentariste Luc Marescot et le réalisateur Guillaume Maidatchevsky afin d’alerter le grand public sur la situation des forêts primaires. Une aventure qui a fait l’objet du documentaire Poumon vert et Tapis rouge, sorti en septembre 2021 au cinéma. Le héros en est William Icard, un scientifique idéaliste et passionné, inspiré du botaniste Francis Hallé, prêt à tout pour révéler au monde les trésors recelés par les forêts primaires. Les chapitres sont courts, le style est fluide et entraînant, impossible de lâcher ce roman qui nous donne du rêve autant qu’il nous épouvante. A.S.

 

– Comment va-t-elle, docteur ?
Camille Nijinski avait ôté ses gants fourrés et se massait doucement les mains. La chaleur infernale qui régnait dans l’hôpital contrastait avec les températures à pierre fendre de l’extérieur et tiraillait les crevasses encore à vif sur ses doigts. D’un geste, le docteur Fibonacci lui intima de ne pas s’avancer davantage dans la chambre. Face à eux, la patiente dormait ; le bip lent de l’électrocardiogramme indiquait un sommeil paisible qu’il n’était pas question de perturber.
– D’après ses médecins, physiquement, il n’y a pas de risques. Les analyses biologiques révèlent des carences, mais rien de grave. Quant à ses engelures, même si certaines sont assez profondes, elles ne laisseront pas de séquelles. Psychologiquement, en revanche, c’est une autre histoire. Je vais faire au plus simple : tout a disparu de sa mémoire.
– Quand vous dites tout…
– L’intégralité de sa vie d’avant. Elle ne se souvient de rien. Une page blanche.

Labyrinthes (Fleuve Noir) est une histoire complexe, avec une narration volontairement déconstruite et une notion du temps distordue pour tromper le lecteur. En gros, une victime au visage défoncé à coups de tisonnier est retrouvée dans un chalet et la personne suspecte est atteinte d’amnésie. En charge de l’enquête, Camille Nijinski va essayer d’en savoir plus auprès d’un psychiatre qui a recueilli l’incroyable témoignage de la suspecte avant qu’elle perde la mémoire. Franck Thilliez met tous les ingrédients possible pour créer une ambiance malsaine : de la folie, des snuffs movies, de l’usurpation d’identité, de l’enfermement, de la torture psychologique, des chalets abandonnés… Bref, les personnages sont malmenés et l’atmosphère est pesante à souhait. Damien Delhomme

 

 

A employer des femmes pour des missions d’infiltration dans les bas-fonds de New York au côté des dealers et des mafieux. Le polar du même nom d'Edward Conlon nous immerge dans son quotidien, dans l’Amérique des années 50 et 60, au sein du célèbre NYPD (New York Police Department), univers chargé de testostérone où l’on dégaine son arme sans réfléchir et où les femmes sont censées être à la maison dès 6 heures du soir pour préparer le repas et tenir la maison. L'héroïne de ce livre, c’est Marie Carrara, «une Italienne dans un service de police irlandais, et une femme dans un monde d’homme.» Arrivée sans expérience en 1958 au Bureau des Policières, elle va se hisser au rang d’inspectrice à force de travail et de ténacité, malgré un sexisme quotidien et surtout une vie privée qui prend l’eau. Avec le Bureau des Policières (Actes Sud), inspiré d'une histoire vraie (et de l'inspectrice Marie Cirile-Spagnuolo), Edward Conlon nous propulse dans le NYPD, où il a lui même travaillé, et dresse un superbe portrait de femme. A.S.

Photo : Joe Petrella/NY Daily News. Getty Images

Tueurs est un livre épouvantable et ce qualificatif est malheureusement un compliment. Il s’agit de brefs textes autour de la guerre (meurtres, tortures) qui sont les descriptions de vidéos, «le plus souvent amateures», vues sur le Net, ou «de photographies ou de témoignages». Ces cent «images» sont interrompues, une double page sur deux, par des citations sourcées des assassins ou des tortionnaires. Jean-Michel Espitallier, né en 1957, ne remonte pas plus loin que la Seconde Guerre mondiale et n’a cependant aucune peine à nourrir ce livre d’horreurs. Si Adolf Eichmann et Pol Pot font appel à leur sensibilité ou leur bonté comme preuve de leur innocence, d’autres criminels se retranchent derrière l’existence même de la guerre pour justifier ou seulement expliquer (ou ne même pas pouvoir s’expliquer à eux-mêmes) leurs actes. L’ensemble de ces textes, témoignages et photographies recèle un effet de réel qui fait froid dans le dos. Mathieu Lindon

Photo Suebsiri/iStockphoto/Getty Images

 

Eric Giacometti et Jacques Ravenne, l'obscure clarté du «Soleil noir»

Il y a deux ans, on achevait la lecture du troisième tome de la saga du Soleil noir, série de thrillers historico-ésotériques se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale avec pour héros Tristan Marcas, un spécialiste des arts enrôlé de force par Himmler pour retrouver quatre swastikas sacrés censés donner le pouvoir absolu à qui les réunirait… Avec la parution l’an dernier de Résurrection (qui vient de sortir en poche) et de 669 ce printemps, la trilogie est devenue pentalogie, chiffre évoquant les sceaux magiques et cabalistiques qui restent les sources d’inspiration des deux auteurs, Eric Giacometti et Jacques Ravenne. A l’instar des intrigues de leur série policière (une douzaine de titres) mettant en scène un policier franc-maçon confronté aux mystères des Templiers, du Saint Graal ou de la tombe du Christ, ils ont enraciné la saga du Soleil noir dans les grands mythes médiévaux. Cette fois, place au Saint Suaire et aux sociétés secrètes (Résurrection), aux sorcières germaniques et à leurs philtres d’immortalité (669). Grands adeptes du fantastique à la Edgar Allan Poe, inspirés par la pensée franc-maçonne ou… les aventures d’Indiana Jones, les deux auteurs naviguent entre surnaturel, symbolisme et mystifications. Fabrice Drouzy

 

 
 
 

Avec les experts de la gendarmerie scientifique

Puisque les lampions de la fête marquant le jubilé d'Elizabeth II ne sont pas encore éteints, revenons sur ce terrible accident qui a coûté la vie à Lady Di le 31 août 1997 à Paris quand la Mercedes Benz qui transportait la Princesse s'est encastrée contre le treizième pilier du tunnel de l'Alma. Ce sont les experts du département Véhicules de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, créé huit ans auparavant et localisé alors au fort de Rosny-sous-Bois, qui sont aussitôt sollicités. Ils vont décortiquer la voiture dans ses moindres pièces pour essayer de comprendre ce qui s'est exactement passé dans les dizièmes de seconde qui ont précédé le crash. C'est le même Institut qui a travaillé sur l'affaire Laetitia Perrais, l'affaire Flactif ou celle de la défigurée du Jura. Ces scientifiques n'aiment pas qu'on les compare aux "experts" des séries télévisées car ils font preuve de davantage de prudence et de rigueur mais on ne peut nier que ces séries en ont fait des vedettes. Si vous voulez en savoir plus, comprendre comment on "fait parler" un cheveu, une goutte de sang ou des larves de mouche, plongez-vous dans le livre passionnant de Catherine Mallaval (ancienne journaliste à Libération) et Mathieu Nocent paru chez Flammarion, Scènes de crime, dans le labo de la gendarmerie scientifique. A.S.

Photo Pascal Pochard-Casabianca. AFP

 

 

Vous le saurez en lisant la Fin des hommes, de Christina Sweeney-Baird. Quand l’annonce d’une nouvelle épidémie a émergé du flot de l’actualité il y a quelques semaines, nous avons réellement vécu un gros moment d’angoisse. La variole du singe semblait toucher en priorité les hommes et nous venions juste d’achever la lecture de cette dystopie effrayante racontant un monde ravagé par une épidémie mortelle touchant essentiellement les personnes de sexe masculin. Dans la vraie vie, on guérit plutôt vite de la variole du singe mais sous la plume de l’autrice britannique, les fils, les maris, les pères meurent en quelques jours de ce «Fléau», comme on finit par l’appeler, laissant la moitié du monde désemparée. C’est tout l’équilibre de la planète qui, d’un coup, est transformé : on enrôle des veuves de militaires pour former une armée, on forme des femmes au métier d’éboueuse, Apple se met à produire des iPhones plus petits pour mieux s’adapter aux mains des femmes… Bref, celles-ci réalisent qu’elles peuvent parfaitement se passer des hommes. Sauf pour la procréation. A.S.

 

 

 

Le giallo, un genre à part, entre policier, horreur et érotisme

C'est le cinéma de tous les excès. Le giallo, terme utilisé en italien pour décrire le roman ET le cinéma noirs, est un genre très particulier  qui "explore le refoulé fasciste et la culpabilité bourgeoise, et révèle aussi une relation ambivalente à la modernité dans la mesure où il est un miroir déformé et outrancier des angoisses et des désillusions de l'après-guerre", nous explique Alice Laguarda dans un essai passionnant, le Giallo, un cinéma des Passions, publié par Rouge profond. Le giallo, c'est aussi "le refus d'un cinéma politisé et didactique, au profit de visions qui usent des fonctions allégoriques, horrifiques et poétiques du fantastique, entre autres, pour rendre compte de la complexité du moment." Une vraie mine d'informations illustrée par de nombreux films, à commencer par Sei donne per l'assassino (Six femmes pour l'assassin), de Mario Bava (1964). A.S.

Alibi

Préparez-vous! Le prochain numéro d'Alibi, en juillet, vous emmènera en divers points du globe et sur les cinq continents. Du Japon au Mexique, d’Israël au Kenya en passant par l’Algérie, leurs reporters nous invitent à un tour du monde du polar puisque, malheureusement, le crime ne connaît pas de frontières. Et sur les lieux, fictifs ou réels, de certains romans phares. Avec Paula Hawkins et Olivier Norek en majesté.

 

813

Le numéro de mai de cette revue des amateurs de polars est alléchant puisqu'il propose un dossier sur "polar et politique" avec du beau monde (Leroy, Vitkine, Bronnec...), une conversation entre Simone Buchholz (Béton rouge et Nuit bleue, l'Atalante) et Michèle Pédinielli (la Patience de l'immortelle, l'Aube noire), une nouvelle de Luc Chomarat qu'on adore, et un article sur Ed Lacy par Roger Martin. Sans compter les coups de coeur polar du trimestre...

 

Une newsletter mensuelle réalisée par Alexandra Schwartzbrod

Avec Sabrina Champenois, Damien Delhomme, Fabrice Drouzy et Mathieu Lindon

Documentation: Bénédicte Dumont et Claudine Mamy

Conception graphique: Christelle Causse et Kenza Zahraoui

Editing photo: Laure Troussière

 
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