Gare au GARI

Un centième de seconde et t'es mort. C'est ce qui est arrivé à Edmond Vuillat. Les tireurs, cinq lycéens, en 1974. Comment ne pas s'en souvenir ? Je ressors la presse et les photos d'époque. Vais-je aller encore plus loin. Ils sont où les quatre autres ? Yvon, Paul, Antoine, Arthur. Ferré pour la parole.

The dream is over, Beatles, Dylan, le 378 de la Série Noire, le Monde Libertaire, Charlie Hebdo. En vrai, c'est Puteaux et Nanterre, la pollution bouffe tout, entre les mégots de P4 et Bogart. Puis Sylvie, la photographe, à la mode de son âge. La cité U de Nanterre a les pieds dans l'eau.

À Neuilly, on enlève des Espagnols et en Espagne, on exécute au garrot. Le GARI est en première ligne. Broussard les suit. Les Cinq mousquetaires prennent la route. 24 photos racontent la vie d'avant. Sur la photo 19, un pistolet. C'est le tour d'Antoine de raconter sa vie en Bretagne et les grèves musclées. Il a connu Edmond et Martine, sa fille. Yvon est bien souvent dans la rue, tous les coups sont bons, 45 ans de black bloc et la démocratie totalitaire. GARI, ZAD, CRS. Pour Paul, trois mots : il est mort.

Ruby, c'est le nom du pistolet, il a vécu depuis 1930, jusqu'à la rencontre avec Edmond. Avec Chloé, ça fait plus que longtemps, je la cherche dans la campagne perdue et je n'oublie pas que l'on était deux sur la mobylette orange. C'était il y a mille ans. Sylvie a changé de côté, elle porte une robe noire et un rabat blanc. La fin d'Edmond, ce sont quelques mots : "Bonjour, je viens chercher la montre de ma fille. "

Qui a tiré ce jour-là sur Edmond ? Bavure à jamais imprégnée dans la tête de chacun. Les GARI les ont mis à terre. Ils vont essayer d'avoir une vie "propre" malgré les taches de sang sur les mains. C'est Arthur qui raconte.

Pour tout bagage. Patrick Pécherot. La Noire, Gallimard, Août 2022.

#Le billet de Patrice Lebrun