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Publié par blog813

Jérémy Bouquin au Vieux Boucaud en septembre 2018 (photo B.L.)

Jérémy Bouquin au Vieux Boucaud en septembre 2018 (photo B.L.)

C'est un infatigable créateur, travailleur de la plume, un fou d'écriture... Le lauréat du trophée de la nouvelle 2023 est à l'honneur chez Ska.

 

Patrick Gauneau (membre de 813) nous  envoyé ce commentaire sur Jérémy Bouquin :

Jérémy Bouquin est assurément un auteur peu commun. J'ai toujours eu un faible pour les "forçats de l'underwood" ainsi que se décrivait l'un d'entre eux Gilles Morris-Dumoulin. Dans mon panthéon personnel figurent très haut des écrivains comme André Héléna, GJ Arnaud, Pierre Pelot, Serge Brussolo, par ordre d'entrée en scène et pour rester sur le seul territoire franco-français.

À une époque où nos auteurs préférés ne font paraitre qu'un voire deux romans par eux, Jérémy Bouquin renoue avec la tradition d'une production torrentielle.

2022: Carlos chez Cairn, Macadam graffiti chez les éditions du Loir (un roman que j'ai trouvé magnifique), Si le loup y était chez LDS, un recueil de micro-nouvelles 96 mots et Baraque à frites chez In8, judicieusement récompensé par 813.

2023: Sherlock Holmes et les mystères de Lorraine chez La Geste, L'Ange de la cité chez Kubik, des nouvelles publiées dans plusieurs anthologies (au moins 4 à ce jour), jetez un œil sur le texte publié dans la Dernière chance de El Lagartijo au Diable Vauvert, un texte étonnant et pourtant l'univers de la tauromachie à priori....., un roman jeunesse chez PEMF, un feuilleton tenu dans un journal cet été, la deuxième saison de 96 mots et l'année n'est pas finie. On annonce d'ores et déjà le 3e tome de sa trilogie des Errants et la publication d'un recueil de nouvelles chez Rivière Blanche (pour la plupart des textes publiées auparavant chez Ska me semble-t-il).

En plus de cela, il faut ajouter que Jérémy Bouquin est directeur de la collection N aux éditions Ska.

À chaque fois, dans chaque texte, la même énergie, le même pouvoir hypnotique d'une intrigue qui vous empoigne pour ne plus vous lâcher, la même générosité envers ses personnages. Je n'ai pas le temps de décrire son univers littéraire de façon plus approfondie. Il me semble juste qu'il ne faut pas passer à côté de cet auteur que je ne connais qu'à travers ses écrits et qu'il n'est AMHA* pas (encore?) reconnu à sa juste valeur.

Patrick Gauneau

N° 520

 

* à mon humble avis

 
 
Jérémy Bouquin : Ska fut la première maison à l'éditer. C'est bien plus tard que nous avons rencontré ce doux géant qui, s'il cognait avec les poings aussi fort qu'avec les mots, ferait de sacrés dégâts. Mais Jérémy ne frappe qu'avec des lignes qui fusent comme dans un match de MMA : KO en 9 secondes, c'est bien possible.
Jérémy BOUQUIN, vous avez bien dit Bouquin ? Et non, ce n'est pas un pseudo. Il était donc prédestiné à vous coller des yeux au beurre noir avec son style qui n'épargne personne. Des phrases courtes, aucun sujet tabou, des dialogues au plus près du langage vrai, et ça n'arrête jamais jusqu'à la chute finale souvent terrible chez cet orfèvre de la nouvelle. Et pourtant, Jérémy aime ses contemporains. Pas tout à fait tous, c'est vrai, et les salauds paient cher en général avec lui. Mais les plus faibles, les enfants, les femmes, ceux à qui la société ne fait pas de cadeau ont trouvé un défenseur avec lui. Son œil souriant, malicieux, sait débusquer dans le noir ceux qui ont droit, enfin, avec lui, un coup de projo.
Ska s'honore d'avoir publié en premier, et de continuer à publier cet artiste de la chose écrite dont le talent vient d'être reconnu avec le Trophée 813 de la meilleure nouvelle 2022.


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Dans la discothèque, des messages cochons chauffent les clubeurs...Tony le videur va devoir faire le ménage...

[...] Je te propose un job... J’ai besoin d’un videur.
Discothèque Vibration, La Châtre, pas loin de Châteauroux, Guéret, juin 1995. Maryse, elle tient l’établissement. C'est la gérante.
Tony apprécie le petit bout de bonne femme, de la gouaille, un peu trop maquillée, la bonne quarantaine mais bien carrossée pour son âge. Elle pavoise avec un décolleté lourd qui attire le regard, des bagouses imposantes à chaque doigt, des ongles félins qui alternent le bleu turquoise et le rose fuchsia. Une fantaisie. Une diva de la nuit. Une grande dame d’après la rumeur du coin.
Videur ! Il sait. C’est pour cela qu’il s’est pointé, elle lui annonce un salaire, huit mille francs par mois mais aussi un petit logement. Une aubaine pour Tony.
La moitié au black, le reste, le fixe déclaré. Puis il y a les pourboires.
Il s’en fout, ce qu'il voit c’est qu’on lui propose un boulot.
Tony est fauché, dort depuis deux semaines dans une chambre de bonniche pour cinquante balles la semaine. [...]

Jérémy Bouquin boxe son lecteur avec la même énergie que ses personnages picolent, cognent... et baisent. Son style punchy ne laisse pas respirer, les péripéties glissent sur un toboggan à toute allure. On ne lit pas, on dévale !




 

Un ado à la dérive embarqué dans une histoire de truands qui le dépasse...

Le jeune s’est présenté ainsi : pouilleux, crasseux. Seize ans à peine, il attend, planté en plein milieu de la salle. Il a un accent qui roule, un accent de loin, avec des échos de guerre dedans.
Le restaurant est petit, à peine une dizaine de tables, la moquette rouge est usée, les murs défraîchis couverts d’un papier peint verdâtre.
Paulo, le patron, désigne du bout du doigt l’écriteau en carton brun : Fermé.
— Je sais pas lire, qu’il bafouille.
Le vieux ne s’attendait pas à cette réponse. Il pose ses lunettes sur la table et plie son journal à la page des sports. Il jauge ce gosse. Il a le regard sombre, l’œil agressif. Il gratte sa moustache épaisse.
Pâlichon, maigrichon, claque des dents. N’a pas mangé depuis des jours. Il tousse gras, beaucoup. Son visage est creusé, il semble malade.
— Tu sais écrire ?

Max ? Un môme paumé que la dureté des temps tarabuste, mais il y a toujours une lueur d’espoir dans le regard d’une fille... Jérémy Bouquin pose le décor de l’histoire et décrit les relations des personnages avec justesse. Le rythme et le ton transcrivent l’atmosphère du vécu contemporain d’une certaine jeunesse déboussolée.

 




 

96 mots pour signifier un homme, une femme, un moment... Q

— Bonne année, elle me dit.
Il est minuit, on ne se connaît même pas.
Autour, dans le bar, c’est l’effervescence.
On s’embrasse alors.
Puis elle reste collée à mon bras.
— Je suis venu seul, je cherchais un peu de compagnie, je finis par dire.
— Qui viendrait ici, un soir de réveillon ? elle me sourit.
— Et vous ? je lui retourne la question.
— Moi aussi, mais je ne compte pas partir seule.
Elle cherche ma réaction, attend. Je suis troublé, comment lui dire...
— Je n’ai pas de chez moi. Je dors sur le trottoir...

Jérémy Bouquin, qui prend une place de plus en plus notable dans la galaxie du Noir,  fait de chacune de ses micro-nouvelles illustrées un condensé d’humanité bouleversant. Un exploit en 96 mots. Quand l’écriture sous contrainte permet une telle créativité, on en redemande. Publiés au départ sur Facebook chaque semaine, la publication de ces flashs fictionnels et graphiques en recueil était réclamée par ses fans et au-delà. Une version papier est accessible sur TheBookEdition




 

Les chemins des plaisirs clandestins sont pavés de surprises, bonnes ou... mauvaises.

Je suis abonné au « 333 club » depuis deux ans. J'ai juste rempli un bulletin d'inscription, un soir. La cotisation est de mille euros par an. J'ai craqué un vendredi soir, c'était l'hiver. Je me souviens encore, il neigeait.
Je venais d'en parler à un collègue. Un ami.
Je me suis inscrit sur un site internet.
J'ai donné un pseudonyme : Tristan. Je suis hétéro.
Mes goûts ? Étonnement, je ne suis jamais posé la question...
Jeune... mature, petits, gros seins, grande, moyenne, noire, arabe.... Je ne sais pas vraiment. Je coche un peu au pif.
Attentes particulières ?
Sodomie, fétichisme, exhibition.... Je reste assez traditionnel, peur de l'inconnu.
J'ai tout de même hésité. Si je n'étais pas à la hauteur.
Suivant.

Jérémy Bouquin   , auteur de plusieurs polars, a rejoint SKA pour nous donner un Culissime bien ficelé et très évocateur des fantasmes d’un couple occidental en quête de nouveautés.




 

Un flic à la gueule cassée enquête sur des crimes en marge de la Grande boucherie...

Un poste arrière, un cabanon en bois, une barre qui traverse une route défoncée.
Les civils doivent passer par là pour se faire enregistrer. Fouille obligatoire : son sac, ses fringues, il sort tout. On n'entre pas sur un champ de bataille comme dans un grand magasin !
Au loin gronde un souffle sourd, on canarde.
Le sergent tousse gras. « Les gaz moutarde », qu'il explique :
— Vous venez pour quoi ? il demande au gaillard défiguré face à lui.
— Police...
Le militaire rend les papiers officiels, lève la barrière.
— Ah ! c'est vous... [...]

Un texte stupéfiant et implacablement évocateur d’un malheur universel pris sur le vif. Jérémy Bouquin, on le connait, c’est un style unique en forme de série d’uppercuts qui, ici, se marie parfaitement avec le sujet. La noirceur de la Grande Guerre trouve une évocation originale à la hauteur de la trace laissée dans l’inconscient collectif.

 




 

Leur redonner un brin d’humanité, leur dispenser du plaisir avant le grand saut dans l’au-delà, tel est son sacerdoce.

JE M’APPROCHE. Je me présente devant elle. Je la regarde. Ses yeux répondent.
— Je m'appelle Gabriel.
Je prends sa main droite, fripée, gelée.
— Vous avez froid ?
Sa lèvre inférieure gercée tressaute. Un effort terrible. Son visage est creusé par la fatigue, plissé par les souffrances.
— Vous savez pourquoi je suis là ?
Son index remue, sa main que je serre tremble. « Elle vous attend » ont gloussé les filles de l'accueil.

L’auteur aborde dans cette fiction un sujet éminemment délicat : la sexualité des personnes âgées. Le plaisir des sens ne peut-il enjoliver ces petits instants d’avant le grand basculement ? Un texte marquant une grande attention à l’humanité souffrante autant qu’une certitude que c’est « ici et maintenant » que la vie s’exprime.




 

C’est fou cette manie qu’ont les amoureux des chats de faire des phrases et pire encore...

« Salut, le chat ! » Le matou se cabre, Francis occupe son territoire, empiète sur son chez-lui. Il précise sa pensée : « Maaaaaaooo ! » Francis tente une approche, le chat déguerpit du balcon, file au rez-de-chaussée. Minh apparaît, elle porte un jean, un tee-shirt. « C’était quoi ? — Un copain. — Un copain ? — Tu vois Baston, tu vois Trottoir ? Eh ben pareil, mais en plus chatouilleux. — Ça promet ! La suite du programme ? — Acheter des clopes. »

Jérémy Bouquin a l’art de brouiller les pistes et de tendre vos nerfs jusqu’à la rupture. Vos nerfs, et surtout ceux de Francis Duval, un dur de dur de la Crim’ mais papa gâteau sitôt qu’on chatouille son chat, Baston. Tuer un chat, c’est un jour passer à l’homme. C’est passer l’ultime marche, tu comprends ? Un chat, c’est le dernier palier avant le massacre final !




 

Piégé par une masseuse à domicile, son voyeurisme lui coûtera beaucoup plus que prévu...

« Bob pose deux verres sur la table basse, débouche maladroitement la bouteille. Le bouchon manque de lui échapper. Il arrose le plancher. Elle pouffe. Cela détend un peu l’atmosphère. Puis, il dévisage sa « masseuse ». Rebecca. Pas l’actrice, plutôt une femme petite, de larges hanches, de belles jambes. Pas un canon de beauté, mais elle est mignonne. Un maquillage léger, des cheveux tirés en arrière, longs, châtains, épais. Bob dépose le verre sur la table basse. Lui s’assoit dans le fauteuil en face. Rebecca le remercie. Elle avale une gorgée. Le mousseux est dégueulasse, acide, une piquette. « J’aimerais être payée avant », signale Rebecca. »

En quelques phrases courtes, sèches, Bouquin a l’art de vous trousser une histoire de sexe où la noirceur de ses personnages se révèle, même à poil...




 

2 micros nouvelles pour dire un homme, une femme, un moment en 96 mots.

— Tu reviens quand ? Demain ?
Elle ne se rappelle plus en fait. Elle cherche un moment, trouve son agenda...
— Demain, c’est ça.

Elle a retrouvé le rendez-vous.
— Et ton mari, il en dit quoi de tout cela ?

Il sait. Deux jours qu’il sait qu’elle le trompe. Depuis qu’il l’a croisée dans la rue. Accompagnée. Le soir, elle est quand-même rentrée. N’a rien dit.

Lui non plus. Lui fait semblant de ne rien avoir vu. Il est malheureux, certainement.

C’est comme ça !
Et tu comptes lui en parler ?

Elle la fixe étonnée. Elle, son amante.
— Lui parler de quoi ? elle ironise.

Jérémy Bouquin illustre ses micros-nouvelles et fait de chacune un condensé d’humanité bouleversant, un exploit en 96 mots, dans ce deuxième volet, aussi fort, si ce n’est plus, que le premier.




 

Boxe et voyeurisme, les filles s’affrontent nues, les poings en avant et la rage à la bouche.

En « girl fight » tous les coups sont permis, frappe de pieds, de poings, de coudes. Viser dans le nez, la tête, les genoux. Tu dois faire mal, casser, broyer ton adversaire.
Pas de gant, aucune protection.
La mort est autorisée. Le risque, c’est un plus pour les malades qui paient cher pour se rincer l’œil.
Faut être vicieuse. Faut être une tueuse !

Dans un monde blasé, l’excès fait florès. Les combats de l’extrême font partie de la panoplie apte à exciter l’idée de meurtre par procuration. Si en plus on peut assouvir son plaisir de voir des filles nues au cours d’un combat sans merci, le girl fight est en cette occurrence un must. Pas d’hypocrisie, Jérémy Bouquin nous installe au premier rang pour admirer les « cogneuses ».




 

Raffinement suprême pour les amateurs de boudin, s’offrir une « saignée » bien gore.

« — Vous la connaissez ? Il me fait. Je braconne depuis des années ! Je suis un des meilleurs chasseurs du coin. Un charcutier hors pair et il doute encore ! Je soupire. Monsieur Joseph juge un moment ma réaction. Je ne vais pas m'abaisser à lui répondre.
— Je veux du boudin ! Un beau boudin noir.
Je sais, je lui fais. Trois fois qu'il se répète. Il radote Monsieur Joseph. Et je veux voir la bête. Je sais ! Décidément. Quand ? Il s'impatiente. Je reprends ma photo. Je la fourre dans mon blouson. Demain soir ? Il accepte. Je lui donne alors l'adresse, celle d'une cave planquée dans le cœur d'une zone pavillonnaire. »

Le rythme et la texture de cette écriture noire vont si bien avec le boudin de même couleur que c’est à vous couper définitivement l’appétit.




 

Le périple nocturne d’un taxi transportant une « youtubeuse » du X...

Clem revient enfin. Elle fait signe à un gars en short, un gros moche, qui semble tout émoustillé. Elle claque la portière.
— Démarre, elle s'écrase d'un coup. Les jambes écartées, le dos cambré, elle est épuisée. Mais satisfaite.
Je décolle, roule lentement, je laisse un temps :
— Pourquoi tu fais tout cela ?
« C'est sponsorisé ! »
« C'était chouette »
Elle a acheté des nouilles. C'est chaud, elle ne mange pas, elle me refile la barquette en aluminium tiède.
Pas faim.

On sillonne la ville. Il est minuit.

Bouquin, c’est Bouquin ! Un alcool qui t’arrache la gorge, un direct au plexus qui te coupe le souffle. Le lire risque de vous malmener, mais au pays du noir, ça vaut le voyage...

 




 

Un embrasement des sens, le temps d’un weekend, méritant d’être couché par écrit...

« J’ai presque pas dormi. Karl était calé dans mon dos, sa main entre mes seins. Je sentais son souffle chaud dans ma nuque, sa respiration régulière. Nous deux nus, notre première nuit, son corps chaud, ses cuisses collées à mes fesses, son ventre contre mon dos. Une sensation de douceur... » — C’est l’un de mes souvenirs les plus précieux, qu’elle me lance. Je l’écoute. Je note quelques mots. Elle me décrit la scène avec ces mots, beaucoup d’embarras... »

On imagine Bouquin prenant des notes pour restituer cette histoire avec son style punchy qui fait merveille. Un bien belle idée de cadeau à faire à son amant pour fixer en mémoire le bonheur érotique vécu juste un weekend...

 




 

À la recherche de Mona disparue dans une NoGoZone... une anticipation apocalyptique où l’activité d’un sex-boy-toy le dispute à celle d’un tatoueur au fer rouge...

« Les lumières tournent sur deux corps. Un homme. Il danse avec une fille. Le spectacle attire. Lui vient entourer de ses bras la blonde aux cheveux tressés, il laisse courir ses mains. Elle est en maillot de bain, se laisse faire, lui commence à prendre ses hanches, la rapproche. Elle se laisse faire.Le duo se colle, se trémousse de plus en plus. Elle cherche alors ses fesses à lui, les deux se laissent un temps, puis elle va le chercher, sort sa... »

Du Bouquin pur sucre, de la noirceur et du sexe hard, dans un style punchy à souhait. Confidence, on adore être secoué par ses histoires foutraques s’inspirant de l’air du temps et des pratiques déviantes d’une humanité sans repères.




 

Echouée sur une aire d’autoroute, elle soulage les hommes jusqu’au jour où la femme-épave se rebiffe...

« Myriam se tord un moment, la gamine, elle a vingt et un ans, tout au plus. Elle apprend la vie. C’est un peu un bébé. Pour elle, je suis « Mammy Branlette » ! Rien de plus, rien de mieux. Une putain de l’autoroute, un personnage burlesque, pittoresque du coin. Une permanente du secteur. Un fantôme un peu glauque de la route droite. « Qu’il repose en paix ! » laisse alors échapper la gamine. Elle ressasse la phrase de la nécrologie : « Qu’il repose en paix ! » Là, je me bloque. Je me braque, même ! « Non ! »

Le pouvoir suggestif de la prose de Bouquin, le bien nommé, est efficace comme un uppercut au menton. Ça galope, ça cogne ! Le comble? Comme un maso, on en redemande.




 

Un vieux rocker sourd comme un pot compose de la musique tout en couleur...

« Victor range ses crayons de couleur et sa boîte de peinture dans son sac Adidas usé. Il l'avait acheté à Soho to London dans les années 70. Un sac à dos traîné sur la route « on the road again », lors des légendaires tournées de son groupe de rock « Les nine's ». Ce chiffre neuf qui ne lui avait jamais porté bonheur. « Les nine's », des images et des sons importants dans sa boîte à souvenirs. Solo, guitariste, une formation traditionnelle : basse, chant, batterie. Une tournée de tous les bars du coin. »

Bouquin, au fil des histoires qu’il nous conte avec un brio de plus en plus affirmé, nous fait entendre une musique qui commence à faire de lui un auteur dont on dit qu’il a une « voix ».




 

Un bon Bouquin, ça mérite qu’on en redemande ! Alors cette compil’ est la bienvenue...

« Augusto est là. Posé à sa table. Il déguste un jus. Un noir, serré, pur arabica, sans sucre. Il s'en balance une dizaine dans la journée. Il passe ses journées au turbin, là, dans ce rade. Il n'a pas de boulot officiel, pas de vie, pas de compte en banque. Augusto ressemble à un maquereau. Il a tout de ces gars qui tiennent les putains sur les trottoirs. Godasses à dix mille. Cheveu ravalé, gominé, gras, la petite moustache, le pantalon moule bite, la veste en cuir et une chemise noire ouverte sur un torse imberbe. Une tapette. »

Jérémy Bouquin s’impose au fil de ses publications, ses nouvelles noires radicales éditées chez SKA réunies dans cette compilation illustrent son talent...




 

Dans l’art de la drague, le harcèlement n’a pas toujours pour auteurs des mecs relous...

« Elle ouvre les bras, elle est nue, moi aussi, je m’approche. On s’embrasse. Je retrouve sa chaleur, je retrouve la douceur de sa peau, son corps. On reste collés un long moment. Elle me serre, on reste comme cela un long moment, puis elle s’écarte un peu :
— On va devoir y aller !
— Où ?
— En formation. On va être en retard. »

Il s’en passe des pas vertes et des très mûres dans les stages de formation professionnelle. Le vase clos est propice à la rencontre où les appétits sexuels se débrident. Le chasseur devient le gibier et réciproquement. Tout est affaire de stratégie, selon « L’art de la guerre » du chinois Sun Tsu.




 

Un nettoyage radical s’impose quand les grands de ce monde laissent derrière eux les traces de leurs excès.

DU SANG. BEAUCOUP. Partout. Brun, coagulé, gras, croûté, collé à la moquette.

Elle frotte, gratte, rouspète en silence. Elle s'énerve sur sa bâche. Sandra tend le Polyane, tire le film sur la belle moquette anthracite en pure laine vierge. Elle couvre l'essentiel.

Elle fait rouler le cadavre sur le côté, glisse le plastique, puis bascule le macchabée de l'autre côté pour tirer et tendre la bâche souple.

Une experte !

« Nickel ! » En effet, il ne reste absolument rien après le passage de Sandra « nettoyeuse » très spécialisée.




 

L’oreille est une zone hautement érogène quand la voix à l’autre bout du fil y dépose vos fantasmes.

J’OUVRE MA VESTE, je tire sur un bouton. Puis un autre. J'ai vraiment très chaud, Michel. Je retire mes chaussures. Je pose mes pieds nus sur votre tapis. Je peux m’asseoir ?
Elle saccade sa description, prend son temps, marque des pauses.
Silence.

Les accents d’une voix humaine au téléphone peuvent enflammer votre imagination et vos nuits. Un client disposé à la bagatelle à distance veut percer l’anonymat de la voix qui l’envoûte. Un suspense signé Jérémy Bouquin.




 

Le coup de la panne peut être mortel. C’est que la dépanneuse a une bien curieuse manière de concevoir le dépannage.

Le trait de Josselin Billard s’accorde parfaitement à l’écriture suggestive de Jérémy Bouquin. L’atmosphère nocturne, faite de froidure et de mystère, est excellemment rendue par le jeu des ombres et de l’ancrage noir et bleu. Avec La panne, la collection Graphique de SKA s’enrichit d’un opus exceptionnel.

 
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