Le Roman noir, une histoire française, et quelques compléments
Une info d'Ida Mesplède
Pourrais-tu signaler la parution d’une très brillante étude de Natacha Levet intitulée Le Roman noir, une histoire française, éditée au PUF.
Ouvrage dédié à la mémoire de Claude Mesplède.
Merci à toi
Ida M.
On y apprend comment les auteurs issus du prolétariat y ont trouvé leur place et comment les journalistes se sont emparés du genre. Comment, à travers la fiction, une histoire des inégalités et de la criminalité a pu être racontée en prenant en compte les données sociales, en explorant les répercussions politiques, en s’intéressant à l’intime et à la psychologie. « Le genre, écrit Natacha Levet, devient aussi le lieu d'une remédiation : il est un espace – fictionnel – de compréhension, de témoignage. Cette remédiation ne consiste pas seulement à donner voix aux invisibles, aux marginaux, aux opprimés du temps présent, mais aussi à offrir un tombeau aux oubliés, aux perdants, aux victimes muettes du passé. » Le roman noir s’avère multiforme. Selon les périodes et les auteurs, il peut produire de la littérature de divertissement, ou être une littérature de combat, dont la raison d’être est de résonner avec le monde. « L'adjectif "noir" va s'appliquer à des romans, français ou états-uniens, qui livrent une vision désenchante et pessimiste d'une humanité pitoyable, montrée dans ses excès et sa violence », comme l’explique l’autrice.
Le Roman noir, une histoire française plonge dans les textes, analyse les styles, étudie avec brio les rôles joués par Simenon, Jean Meckert et Léo Malet, rappelle combien les auteurs et autrices du roman noir marchent dans les pas de Balzac et Zola. Surtout, le livre ne cherche jamais à positionner le roman noir contre les autres littératures. Il ne s’agit pas d’opposer une littérature blanche nombriliste à une littérature noire politique, de reprocher le manque de reconnaissance du genre et son absence de présence sur les listes de Prix, ou encore de casser les idées reçues. Natacha Levet examine intelligemment l’histoire de cet art, sans la moindre frustration à l’égard des a priori qu’il génère parfois. Autre force du texte : sa capacité à démontrer combien le genre est essentiel, sans mettre sous le tapis ses égarements, et la manière dont il a été gangréné par un virilisme excessif, une homophobie et un racisme assumés, et par la complaisance envers les violences faites aux femmes. L’autrice prend de la hauteur, interroge les évolutions, se méfiant de toute subjectivité.
Rares sont les courants, comme le roman noir, à s’inscrire d’un même geste dans la culture populaire et dans la contre-culture. C’est toute cette ambiguïté dont Natacha Levet détermine les tenants et les aboutissants. On ressort de la lecture du livre avec la conviction que le roman noir fonctionne en négatif du monde, qu’il est un reflet de ses travers et de ses failles, avec parfois le maigre espoir d’influer positivement sur sa marche.
Pour lever toute éventuelle ambiguïté, la thèse à laquelle renvoie le lien de Pierre est à différencier de l'essai qui vient d'être publié chez Puf, dont B. Fogel rend compte avec brio. Ce n'est pas le même texte, ni le même degré d'approche. Même si le premier (daté de 2006) a sans nul doute nourri la réflexion développée dans le second, qui couvre le genre jusqu'à l'année 2023. Serge B.
Tant que nous y sommes !
Il est possible de consulter sa thèse [en ligne] :
Natacha LEVET, Le genre, entre pratique textuelle et pratique sociale : le cas du roman noir français (1990-2000), Thèse de Doctorat, Littérature française, sous la dir. de Jacques MIGOZZI, Limoges, 8 décembre 2006
https://www.unilim.fr/theses-
Et si vous vouliez en savoir un peu plus sur les publications et les communications de Natacha Levet, il vous suffirait de passer par ce lien :
Mais aussi par celui-ci :
https://isidore.science/a/
Bonne lecture,
Pierre