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Publié par blog813

Le coup de ♥ de Françoise Croville

Bien sûr, quand on voit le nom de l’auteur, le célébrissime Jo Nesbo, on s’attend à une nouvelle aventure de son héros torturé Harry Hole dans la capitale norvégienne.

Et puis non : pour son 19ᵉ roman, il nous emmène en pleine montagne, au sein d’une famille dont les aventures nous sont racontées par Roy, l’aîné de deux frères.

Cadillac Deville

Quand Roy et son jeune frère Carl d’un an son cadet perdent leurs parents, ils ont 17 et 16 ans. Que s’est-il passé pour que la Cadillac Deville du père loupe un virage et aille s’écraser en contrebas, qu’ils en soient éjectés et ne survivent pas à l’accident ? D’ailleurs s’agit-il vraiment d’un accident ? Car s’ils avaient mis leurs ceintures de sécurité, ils s’en seraient vraisemblablement sortis. Alors, meurtre, suicide, accident ?

Roy et Carl sont confiés à leur oncle Bernard, propriétaire d’un garage et le lien fusionnel entre les deux frères va permettre à Carl de rester dans la maison familiale car il sait qu’il peut toujours compter sur la protection sans faille de son grand frère. Quel grand frère en effet ! Quand ils étaient enfants, et même ados, Roy a souvent tiré Carl d’un mauvais pas sans en tirer aucune gloire. Roy sait qu’il doit protéger son petit frère, si fragile qu’il ne sait pas assumer les conséquences de ses actes. Ils s’aiment, Roy et Carl comme deux frères peuvent s’aimer… Vraiment ?

 

Pourtant Carl va partir. Autant Roy se contente de son boulot de mécano, puis de franchisé de sa station-service dans le bourg qui l’a vu naître, autant Carl sait profiter de ce que la nature lui a donné : ce don d’attirer la sympathie, de séduire les filles sans avoir grand-chose à faire, de se faire des amis, du moins tant qu’il ne s’intéresse pas à leurs fiancées. En fait tout le contraire de son taiseux de frère, Roy le bougon qui n’a pas d’amis.

Quand Carl revient de son périple au Canada où il a fait des études, il est nanti d’une épouse, Shannon, peut-être un peu trop jolie, et d’ambitions démesurées : il a le projet de construire un hôtel de luxe en pleine montagne et ainsi de redonner vie à ce bourg moribond. Il ne doute pas un instant de la participation financière des habitants de cette région promise à l’abandon.

 

Tout au long des plus de 600 pages de ce thriller noir, aussi psychologique que social, l’auteur va, avec une plume magistrale au service d’une structure narrative complexe, nous donner des indices pour découvrir ce qui se cache derrière ces paysages aussi beaux que désolés, derrière cette famille unie et aimante. Il réussit le prodige de nous faire nous sentir enfermés jusqu’à l’étouffement alors que nous sommes en pleine nature, bien loin d’Oslo et de ses quartiers poisseux. Et c’est encore pire car, si on peut s’échapper d’une grande ville polluée et de ses angoisses nocturnes, comment fuir les démons qui se cachent en nous-mêmes ? Un huis clos en pleine nature ou dans nos têtes malades ?

 

Le roman de Jo Nesbo s’intitule en Norvégien « Le Royaume », mais il aurait aussi bien pu se nommer « La Honte » car c’est ce sentiment que son narrateur évoque le plus souvent.

D’un grand conteur à l’autre, il paraît que Stephen King n’aurait pas pu lâcher Leur domaine avant la fin. On comprend pourquoi.

 

Jo Nesbo Leur domaine. Gallimard, Série Noire

Traduit du Norvégien par Céline Romand-Monnier 640 pages

 

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