Romans de la rentrée, d'une traite
Imaginez Almenen, un petit village de montagne, paisible, dans les Alpes allemandes. Presque rien, une école à classe unique, une épicerie, la mairie. Surtout un hameau niché très haut dans la montagne, au pied du pic noir, Jacobsleiter. Quelques bicoques en pierre, aux fenêtres étroites, sans confort, sans électricité. Là vivent quelques familles en autarcie. Une chapelle. Une congrégation religieuse, longtemps pourchassée, les baptistes. Tous ne voient pas d’un bon œil l’installation récente d’une antenne relais Internet sur les hauteurs que le curé du groupe, Isaiah, voudrait voir détruite.
Deux générations de Hofer, maires de la commune de père en fils, ont mis ce hameau isolé à la disposition du groupe baptiste. Le plus jeune Hofer est lieutenant de police, appelé à être le prochain maire ? Un monde un peu fruste, alcoolique, violent, toujours le fusil à portée de main, psychologiquement faibles pour certains, des secrets cachés sous le tapis...
Deux enfants de la congrégation, Jesse et Rebekka, 16 ans, fréquentent l’école communale. Jesse subit des brimades, insultes et coups des autres garçons. Il a pour ami, fusionnel, Freigeist, un jeune loup, dont la mère est morte devant lui. Rebekka est éprise de liberté. Ils font route ensemble, vers l'école, tous les jours à travers la forêt. Une troisième enfant, Edith, fillette de sept ans, ne va pas à l’école. Solitaire et très intelligente, elle ne parle pas. On entendra cependant sa voix car elle est une des narratrices. Elle a appris à lire toute seule et dessine à merveille les fleurs et animaux.
Le cadre est planté, ne manque que le criminel...
Smilla, 26 ans, hantée par la disparition de son amie intime, alter égo, dix ans auparavant, trouve que les disparitions à répétition de femmes dans le secteur sont louches et pressent la présence d’un tueur en série. Le temps du récit, deux femmes disparaîtront : Rebekka et Laura la nouvelle institutrice aux méthodes révolutionnaires pour ce lieu reculé. Smilla se verra embauchée comme stagiaire d’une télé locale, chargée des archives et d’autres tâches insignifiantes.
D’un côté, ces gens d’en haut, frustes qu’on ne voit jamais en bas. Rudes, taiseux, autoritaires. Jesse sert d’intermédiaire : il monte le courrier, va faire les courses pour tout le monde. Seul le père d’Édith passe au village chercher des munitions. De l'autre, les gens d’en bas, coupés eux aussi de la ville, réactionnaires, apeurés, voyant ces baptistes d’un sale œil. Le racisme ordinaire ne tarde pas à se développer. Jesse est malmené à l’école parce qu’il est différent. Et les ragots !
Ce roman que j’ai lu d’une traite est un véritable tourne page. Encore une histoire de serial killer me direz-vous, mais il y a autre chose...
L’autrice mélange les voix des personnages. Smilla, Édith, Jesse, Isaiah, Rebekka, Laura parlent en première personne. Un vrai thriller, donc, mais rendu plus attachant du fait que tous ces personnages livrent peu à peu des morceaux de l’intrigue. Nous sommes au cœur de l’action, avec des points de vue différents. Qui est chacune réellement ?
La violence est omniprésente, chasse aux animaux sauvages puis au monstre, coups de feu, incendies, coups de pied, de poing (notamment sur Jesse) jeux cruels du kidnappeur tueur. La nature est ouverte belle, magnifique mais aussi hostile... des grottes, des pierriers, la forêt toujours un peu inquiétante. Un lourd passé. Une réflexion sur le mal, la suspicion, la psychiatrie.
Du grand art.
Vera Buck, Les Enfants loups, traduction de l’allemand de Brice Germain, Gallmeister en librairie depuis le 22 août
Un agent pour de rire
Anthony, protagoniste de ce récit, est un agent. Mais pas n’importe lequel : pas immobilier, pas littéraire, pas artistique... Il ne jouera pas dans 10 %. Non, c’est un agent de tueurs à gage.
Il propose à ceux qui en ont besoin une panoplie d’agents qui ont fait leurs preuves : chacun sa spécialité. L’un manie très bien le couteau, l’autre les fusils longue distance, un autre mettra en scène un accident... Il n’y a qu’à demander. Cet agent vit bien, dans les beaux quartiers du XVIe arrondissement avec ses deux chiens. Il envisagerait d’embaucher Alba, une ancienne championne de biathlon qui manie avec beaucoup de sûreté les armes de précision. Mais il ne la sent pas prête.
Un caïd lui propose d’éliminer un secrétaire d'État lors d’un repas qu’il doit partager avec ledit homme politique. Vu la somme en jeu, l’agent se fait fort de fournir son meilleur tueur longue distance mais...
Mais celui-ci sous-traite avec un autre tueur qui va lui aussi sous-traiter et le contrat va finir par atterrir entre les mains de la novice, Alba.
Postée en haut d’un immeuble, l’œil vissé sur la cible, Alba reconnait l’homme qui l’a mise en colère il y a peu et mal traitée. Elle fait d’une pierre deux coups, tue la cible et, dans la foulée... le commanditaire.
Anthony sur la tête de qui le frère du caïd a mis un contrat se voit obligé de fuir et de se cacher. Un ami lui suggère la meilleure planque : Vierzon, un mobil home dans un camping qu’il va devoir partager avec une retraitée fuyant ses enfants qui veulent la mettre en Ehpad. Il devra jouer un rôle : il sera le petit-fils en vacances avec sa grand-mère
Voilà l’essentiel de l’intrigue signée Pascale Dietrich qui jusqu’ici ne nous a pas portés vers la mélancolie. Attendez-vous à de nombreux rebondissements. Ce livre-là est un feu d’artifice qui m’a fait beaucoup rire et que j’ai lu d’une traite aussi. Il devrait être recommandé par la Sécurité sociale. N’hésitez pas à vous décoincer les zygomatiques.
L’Agent, Pascale Dietrich, Liana Lévi, en librairie le 3 octobre
Boris le Facteur