Serge Breton partage son coup de ♥
Jean-François MAILLET
"Missing Children" – Ed. Le Pythagore (2018)
Juste avant, il y a eu un coup de fil. Maintenant, Kevin est sur la route. La tête vide. Pas d'autre choix que de larguer ses potes. Tant pis, ce soir, "Missing Children" jouera sans bassiste. Le bitume défile. Sa tête se remplit. Céliane, sa chair. "Missing Children", foutu nom pour un groupe de métal! Céliane, sa fille. Le coup de fil, c'est celui du privé qui a retrouvé son kidnappeur. Deux ans de vide et de souffrances. Au bout de sa course, sa Céliane?... Voilà, c'est là. Un chalet en forêt. La porte s'ouvre. Une main le saisit. Le jette à terre. Bienvenue en enfer…
Texte sec, court, épuré, à la fluidité effilée qui transperce. Pas de chapitres, un minimum de paragraphes. Un flux de mots, sombre litanie des pensées obsessionnelles d'un père éperdu. Souvenirs lancinants comme autant de compresses sur une âme qui saigne.
Texte singulier, où l'introspection laisse soudain place à l'action, des rebondissements haletants.
Et le tout est un cauchemar condensé en une nuit, au bout de laquelle espoir et délivrance ne sont qu'illusions. Car il n'y a pas d'innocents…
On n'en voudra pas à l'auteur de sa (très infime) faute de goût finale. Comme une épice superflue dans un plat soigneusement mitonné, qu'on a aimé déguster. Faites juste comme il le recommande (si, si): ignorez l'ultime page, laissez-la au bord de l'assiette… Et attendons le grand roman noir que, toute assurance décomplexée et assumée, Jean-François Maillet porte en lui, dont ce très prenant "Missing Children" contient les germes (et les gemmes).
Citation: "Si vous allez voir votre médecin et que vous lui dites que vous souffrez d'amour, il vous rira au nez ! Il vous dira juste d'en abuser !"
Ce n'est pas la 1ére fois que j'évoque cette collection, à la maquette particulièrement soignée. Il n'est pas trop tard pour rendre hommage à son graphiste et photographe, Serge Bilous. Pour l'anecdote, derrière ce patronyme se dissimule le fils d'une très grande romancière du noir hexagonal…