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Publié par blog813

Le coup de ♥ de Pierre Séguélas
Mon coup de cœur de la rentrée littéraire !

Jean Meckert, Nous avons les mains rouges, présenté par Stéphanie Delestré et Hervé Delouche, Éditions Joëlle Losfeld (Arcanes. 7/ Les œuvres de Jean Meckert), 307 p., 12,80 € (en vente dans toutes les bonnes librairies le 16 janvier 2020)

Ce quatrième roman de Jean Meckert, publié en 1947, livre une critique à chaud et sans concession de la Résistance et de ses idéaux.

Laurent Lavalette, qui vient de purger une peine de prison pour un meurtre en état de légitime défense, est embauché par Monsieur d’Essartaut, propriétaire d’une scierie et exploitant forestier au cœur de la montagne. Le patriarche vit dans cette contrée isolée avec ses deux filles, Hélène et Christine – qui est muette – , et son homme à tout faire, le colosse Armand. Laurent apprend très vite qu’il vient de débarquer parmi d’anciens maquisards, qui ont combattu contre l’occupant nazi et ses collaborateurs. Il faut se rappeler qu’en 1943, l’auteur a intégré un groupe de résistants.

« Pour ces partisans qui n’ont pas mesuré leurs efforts dans le combat, la Libération a un goût amer, elle ne tient pas ses promesses d’égalité, de justice, de grand chambardement » (p.9)

Ils refusent donc de baisser les armes et de rentrer dans le rang. Laurent, héros solitaire, va être entraîné dans une équipée sauvage. Les maquisards, devenus justiciers, se livrent à une épuration sanglante.

« Nous avons espéré ; puis nous avons lutté, et puis nous avons tué pour un monde meilleur. Ceux qui sont morts chez nous, ceux qui sont morts en face dans la plénitude de leur conscience, ont droit que les tueurs survivants ne cèdent pas le flambeau aux habiles de carrière. Si nous avons lutté les armes à la main contre ce qui nous paraissait néfaste, pourquoi vouloir céder maintenant au dégoût de la paix confisquée ? » (p.61)

L’axe central du roman est la réflexion sur la Résistance et sur le concept de libération : « Liberté, qui ne sert que les forts, les fripouilles et les habiles ! » (p.78).

En dehors de la sphère des historiens, Meckert est bien le premier écrivain à aborder cette période trouble, marquée par un véritable esprit de guerre civile. On parlera plus tard de démystification ou de désacralisation de la Résistance.

“Nous avons les mains rouges”, que l’on pourrait qualifier de roman noir mais aussi de tragédie, préfigure l’œuvre à venir sous la signature de John/Jean Amila et publiée à la Série Noire.

Très tôt reconnu par la communauté des « polardeux », critiques, auteurs et lectorat, comme un écrivain majeur de la littérature populaire francophone, Amila/Meckert reste pourtant méconnu du grand public. Grâce à la perspicacité et à la constance de quelques-uns, il a maintenant trouvé la place qu’il méritait au sein de la littérature générale. Nous saluerons ici, nos amis de l’association 813 : François Guérif, Claude Mesplède, Jean-Paul Gratias, Stéphanie Delestré et Hervé Delouche... Nous penserons aussi à Jean-Pierre Deloux, à Franck Lhomeau et aux éditions Joseph K, à Pierre Gauyat, aux éditions Encrage, qui ont réédité en 1993 “Les Coups” et “Nous avons les mains rouges”, à l’éditeur Joëlle Losfeld qui, depuis mars 2005, réédite patiemment les titres de Jean Meckert, sans oublier le très bel hommage que lui a rendu Didier Daeninckx avec son roman "La mort n’oublie personne", publié en 1989.

À ma connaissance, seul le salon du livre « Colères du présent » rend régulièrement hommage à Jean Amila/Meckert en décernant chaque année un prix qui porte son nom. Il serait peut-être opportun que les festivals s’intéressent de plus près à l’œuvre de celui qui plaça au cœur de son travail la contestation et la révolte, et auquel se réfèrent nombre d’auteurs de romans noirs.

Nous avons les mains rouges a été adapté et mis en scène pour le théâtre par Marcel Cuvelier. La pièce a été créée en février 1950, au théâtre Verlaine à Paris. Le texte intégral, totalement inédit, a été publié par les Éditions Joseph K.

Nous avons les mains rouges, pièce inédite en 3 actes, "Temps Noir" n° 13, Éditions Joseph K., mars 2010, pp.96-144

Pour prolonger la lecture de ce roman, on pourra consulter :

Dossier Jean Amila, Revue “Polar” n° 16, Éditions Rivages, octobre 1995, pp.9-128

« Meckert/Amila, l’homme révolté », Revue “813” n° 93, juin 2005, pp.5-29

Dossier Meckert/Amila, “Temps Noir” n° 15, Éditions Joseph K., juin 2012, pp.152-315

Pierre Gauyat, Jean Meckert, dit Jean Amila, du roman prolétarien au roman contemporain, Éditions Encrage (Travaux n° 56), 2013, 352 p.

Éditions Joëlle Losfeld :  //www.joellelosfeld.fr/ouvrage-LO0087-nous_avons_les_mains_rouges.html

Bonne lecture,

Pierre

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