L’arrangement ? il est dans le coffre...
Mi-mars, j’ai reçu un service de presse des éditions In 8 accompagné de ce gentil mot de Josée, l’éditrice :
Bien vu, cible bien choisie, même si je n'apprécie pas que le noir.
Le titre m'a déjà surpris, car L’Arrangement, je l’avais lu dans les années 70 et vu le film éponyme de son auteur Élia Kazan. L’histoire d’un type en pleine crise de la quarantaine qui jette sa petite voiture décapotable sous les roues d’un camion.
Voici ce que Josée m’a répondu quand je m’en suis ouvert à elle : « Nous avions à nous positionner par rapport au roman de Gilles Verdet, et ce titre s'imposait. Il eût été bizarre de le faire changer pour quelque chose de complètement artificiel. Le titre trouve d'abord son sens et sa légitimité par le roman. La justification ne devrait être qu'intrinsèque. J'y étais d'autant plus encline que le livre d'Elia Kazan est paru depuis plus de 50 ans, et que l'histoire de l'édition fourmille de livres homonymes ("La mer", "Aller simple", etc), certains mêmes couronnés de prix prestigieux (Goncourt). » Dont acte
Voyons maintenant cette histoire, vous allez comprendre ce qu’est ce fameux arrangement :
La Narratrice travaille au rayon poissonnerie d’une grand surface. Elle entraîne son odeur avec elle en sortant du boulot. Elle a sympathisé avec Amandine, 25 ans, timide, début de grossesse. En couple avec « un piaf, pas plus malin ni méchant qu’un autre. Un gars qu’avait grandi dans un autre quartier à briques et à barre ». Il s’est acheté une bagnole pour devenir Uber. Elles prennent le bus ensemble pour se rendre au travail ou revenir dans leur barre.
Voilà le cadre initial est posé.
Amandine va commettre une faute professionnelle. Elle n’a pas tapé le pack de bière d’un gilet jaune qui lui paraissait plutôt sympathique. Solidarité des faibles. Cela n’a pas échappé aux vigiles très attentifs en cette période troublée. Amandine est convoquée. Elle doit monter au bureau à l’étage. C’est là que le DRH a proposé un arrangement en déboutonnant sa braguette. Amandine, peur d’être virée, joue le jeu. C’est reconductible lui fait comprendre le petit chef. Elle raconte son histoire à la narratrice qui imagine une vengeance, facilitée du fait qu’elle a un flingue. C’est là que l’on comprend la phrase d'Amandine Carini mise en exergue : « Il n’y a rien qui puisse davantage rendre un homme et une femme égaux que le fait d’être derrière un beretta. »
On va le crever ce connard, on va le crever n’a cessé de répéter dans le bus, la narratrice. Effectivement, alors que l’homme sûr de son arrangement attend sa proie après le service, flingue à l’appui, elles le kidnappent, le séquestrent. Puis elles le forceront à entrer dans le coffre de l’Uber du copain. Premier objectif, aller voir la mer ; les falaises de Fécamp.
Désormais l’homme s’appellera l’Arrangement, il deviendra une loque qui se défera au fur et à mesure, toujours dans le coffre ou attaché. Et nos deux femmes vont s’éclater, faisant tout ce dont elles ont envie, se vengeant de la vie inintéressante qui est la leur depuis le départ et des hommes trop pointus. Un road moovie qui les entraînera de la Normandie à Marseille. Elles s’adjoindront pour quelque temps une comparse Rose. Une autre femme les rejoindra, Yasmine une avocate... mais on ne va pas tout vous raconter.
Voilà un roman roboratif. Ces deux femmes découvrent la liberté, échappent au rôle prédestiné, aux chemins prédéfinis. Nous suivons leur périple (Josée évoque Thelma et Louise) dans ce court roman iconoclaste, servi par une écriture vive, actuelle, la langue de la narratrice...
Si vous avez une heure ou deux à passer, prenez votre revanche sur les hommes qui abusent les femmes, sur les petit(e)s chef(fe)s qu’on croise si souvent et qui se dégonflent comme des ballons à l’hélium, dès qu’on les sort de leur contexte.
Un roman court qui devrait être remboursée par la Sécurité Sociale.
L’Arrangement, Gilles Verdet, In 8, 145 p., avril 2023