Aucun rasta blanc ne ressemble à un balai à frange...
J’aime les personnages récurrents.
Par exemple, dans les années 80, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les enquêtes du Nameless (le détective sans nom), le privé de Bill Pronzini à la Série Noire. Il a toujours eu le même âge que moi. C’est-à-dire qu’il a vieilli avec moi. Même chose pour Harry Bosch, policier à Los Angeles, né en 1950 et toujours actif, bien que vieux et fatigué, dans l’Étoile du désert, dernière traduction chez Calmann-Lévy. Et tellement d’autres !
C’est donc avec tout autant d’intérêt que j’ai retrouvé le psy rochelais Victor Caranne et Anaïs, son amie fliquette, pour la troisième enquête le mettant en scène sous la plume de Max Monnehay. L’auteure s’est fait une réputation de nouvelle reine du thriller et ses deux premiers ouvrages —Somb et Je suis le feu— étaient de vrais tourne pages.
Rappelons que Victor Caranne est psychologue carcéral dans la prison de St-Martin de Ré où il assiste les prisonniers. Il aime son travail.
L’action de À la gorge débute le jour où il visite un prisonnier qui, depuis dix ans, clame son innocence. Il est accusé d’avoir assassiné une jeune femme et son jeune amant. Toutes les preuves convergeaient vers lui : empreintes sur une ceinture ayant servi à étrangler les victimes, mobile bornant à proximité du lieu de l’assassinat à l’heure du crime, ...
Émilien « Milou » Milkovitch, le reconnu coupable et condamné, affirme que le jour du dixième anniversaire de son incarcération, il se suicidera. Même en cellule d'isolement, il peut se trancher les veines avec les dents. Ce dont il fait la démonstration en s'arrachant un morceau du bras. L’anniversaire sera dans dix jours. Il faudra d’ici là prouver son innocence, sinon...
Victor et Anaïs vont découvrir certaines incohérences dans le dossier et finir par croire à son innocence. Mais comment le prouver dans un laps de temps si restreint ?!
C’est une véritable course contre-la-montre que vont se livrer Victor et Anaïs, aidés par Marcus (un bon géant) et Maddie (autant une assistance qu’un boulet pour Caranne). Il faut ajouter que la mère du jeune homme assassiné est la psychiatre qui a aidé Victor à surmonter la perte de son âme sœur. Les deux enquêteurs ne sont pas que des êtres de papier. Ils ont tous deux des failles.
Bref, c’est un véritable thriller, un cold case mâtiné de 24 heures chrono, mais pas que.
Vous vous êtes peut-être demandé ce que le titre que j'ai donné à cette chronique avait à voir avec l'histoire. Voici :
Ce qui m’a frappé, pour la première fois, disons que je n’y avais pas prêté attention dans les deux précédents opus, c’est l’humour de Max Monnehay. Elle émaille son récit de petites formules qui font sourire, voire rire.
Quelques exemples. D’abord, le titre :
- p. 142 - Les dreads chez les batbous [...] il s’en battait la mandoline.[...] Parce que, soyons sérieux, il n’y a aucun rasta blanc qui ressemble à un balai à frange.
- p.96 - Quinze secondes plus tard, le refrain d’Highway to hell résonnait d’un bout à l’autre du couloir, avec un accent français et un manque de justesse qui auraient dispersé n’importe quelle manif plus rapidement qu’une unité de CRS.
- p. 240 – Un double suicide par pendaison, c’est aussi crédible qu’un Amish au Hellfest.
- 301-302 - Le flic regarda la flic par en-dessous avec un sourire à la courbure de son menton. Le chat d’Alice au Pays des merveilles avec la coupe de Mireille Mathieu.
Ce n’est qu’un maigre aperçu mais je vous jure qu’il y en a une foultitude d’autres que je vous laisse découvrir et apprécier.
Plaisir de retrouver La Rochelle, ma capitale, des personnages attachants mais cabossés, une intrigue bien ficelée et qui réserve beaucoup de surprises et la fin (que je m’interdis de vous dire) est littéralement grandiose ! Vraiment de la belle ouvrage.
Boris le Facteur 813
À la gorge, Max Monnehay, Seuil Cadre Noir, 364 p., février 2014