« J'y trouve autre chose, une force et un style interne (une connaissance de l'âme) »
« Je lis beaucoup de romans policiers. Je n'y cherche plus, hélas, le lyrisme absurde et magnifique de Fantômas, le charme naïf d'Arsene Lupin, la tendresse mélancolique de Rouletabille, mais j'y trouve autre chose, une force et un style interne (une connaissance de l'âme) qui dépassent de loin ce que nos romanciers produisent » écrivait Jean Cocteau de l’Académie Française dans la préface de « Petite histoire du roman policier » de Fereydoun Hoveyda publié en 1955 aux éditions du Pavillon.
« Le bruit de nos pas perdus » ne l’aurait probablement pas déçu.
Benoît Séverac nous propose un excellent polar. Véritable roman à énigme, aux nombreux rebondissements, très bien construit autour d’un suicide suspect, d’un mort énigmatique et de la disparition de la femme d’un enquêteur. Roman noir, il revendique cependant le fait de s’éloigner de la « figure caricaturale » du flic alcoolique, divorcé, dépressif que l'on croise régulièrement depuis des années.
Pour déconstruire cette image il met en scène Cérisol, commandant de police, amateur de confitures qu’il ne peut hélas plus déguster. Ayant des goûts musicaux affirmés, il ne jure que par la chanson réaliste d’avant 1958. Marié à une femme aveugle, sportive de haut niveau, il mène une vie normale, rentrant chez lui tous les soirs après sa journée de travail. Commandant à la BRB de Versailles, il a sous ses ordres Nicomedo, adjoint fidèle, proche de la retraite, râleur mais très professionnel. Grospierre, est un jeune homme champion de taekwondo et pour lequel il a une affection particulière. A ce groupe est venue se joindre très récemment, Krzyzaniak, une jeune femme d’origine polonaise dont il ne cesse d’écorcher le nom. Elle ne se revendique pas spécialement féministe mais cela ne l’empêche pas de bousculer tranquillement les habitudes et les préjugés de ses collègues masculins.
Le portrait de Louise Gairal, vice-procureur du parquet de Versailles, professionnelle, compétente, ayant une autorité naturelle, intègre et empreinte d’humanité complète de manière avantageuse la galerie des personnages
Benoît Séverac aborde de manière intelligente et sereine différents aspects de l’évolution des relations sociales au sein de la société d'aujourd’hui ; celles entre les hommes et les femmes, la remise en cause de la domination masculine et de ses préjugés, les rapports au sein du couple, la place de la femme dans la famille, le rôle du père...
Avec finesse et intelligence, il met en scène des changements de comportements et des prises de conscience qui se produisent à des vitesses différentes selon les individus et les milieux. Il pointe du doigt ce qui constitue un véritable changement de paradigme auquel tout le monde n’est pas nécessairement préparé.
L’écriture dans laquelle l’humour n’est jamais absent est fluide et soignée. L’utilisation naturelle de l’imparfait du subjonctif est plaisante.
Les fausses pistes sont nombreuses. Le dénouement se révèlera être un indice très habilement repris au cours de l’histoire. La surprise passée, le livre s’achève sur une sorte de « clifhanger », une invitation pour le lecteur à poursuivre sa réflexion ?
Un regard attentif, lucide sur le monde d’aujourd’hui, une manière très subtile de traiter les sujets de société, une intrigue très bien construite autant de raisons qui donnent envie d’écouter « Le bruit de nos pas perdus ».
La quatrième de couverture.
À la Crim’ de Versailles, le commandant Cérisol a enfin une équipe opérationnelle. Un jeune pro du taekwondo à l’instinct très sûr, un adjoint sexagénaire qui gère ses dossiers aussi bien que sa famille nombreuse et une nouvelle recrue, jeune femme de caractère prête à se tailler une place dans ce cercle résolument masculin. Ils ne sont pas trop de quatre pour faire face aux affaires qui s’accumulent : d’abord un corps anonyme momifié est abandonné au cimetière. Ensuite, il y a l’apparent suicide d’une jeune femme à qui tout semblait sourire. À ces deux mystères vient s’en ajouter un qui bouleverse Cérisol : sa femme Sylvia, partie pour une compétition handisport au Japon, ne donne plus signe de vie…
Au gré des enquêtes de cette équipe de flics, on découvre leurs rêves brisés, leurs combats du quotidien, des mensonges et des vies qui basculent. Benoît Séverac signe un nouveau roman policier plein de finesse et d’humanité qui nous raconte que c’est parmi les hommes et les femmes ordinaires que l’on trouve les criminels comme les héros.
Michel 126