Tous les chiens ne sont pas fous, certains sont doux.
Max Monnehay, Chiens fous, Harpers Collins, 2025, en librairie le 8 octobre (demain !)
D’abord, il y a cette couverture, noir blanc rouge, impressionnante : un lièvre blanc, œil mort, occupant toute la largeur de la page, fuyant de la gauche vers la droite, transpercé de trois flèches rouges, comme en plein bond. Un fond noir, un peu délavé et le titre en lettres rouges, éclatant. Le lettrage est comme fissuré. Une image très forte (signée Caroline Gioux). Aucun rapport avec le pitch au dos du livre. On sait seulement qu’il va s’agir d’un avocat de Bordeaux, plongeant corps et âme dans la défense d’un jeune homme. Nous reviendrons à ce lièvre.
L’incipit situe le narrateur qui se targue d’être un excellent avocat. L’un des meilleurs.
« Mon professeur de droit pénal nous disait toujours que la meilleure façon de défendre un accusé consiste à déterrer la victime qu’il fut. À utiliser la machine à voyager dans le temps pourri des brimades, des branlées et des parents défaillants. Parce que la violence ne s’apprend pas dans les jeux vidéo, pas plus que dans les films de gangsters. Des tas d’études ont essayé d’établir un lien . Des tas. Elles ont toutes lamentablement échoué. (.../..) Tous ces détails, bien entendu, n’auront pas à être vrais. Il suffira qu’ils soient vraisemblables»
Suit une séquence dans laquelle on voit le narrateur en grande difficulté, sauvant une victime, fille jeune sans doute, qu’il réanime, avant de bientôt s’asphyxier, une corde autour du cou, les pieds frôlant le sol, le sang d’un chien supplicié gouttant sur lui. « L’enfoiré est là qui me regarde en souriant. » Fin du prologue.
On ne le sait pas encore mais la scène se passera à Malameria, en Andalousie, où Alano Garcia s’est mis à la retraite. Avocat débutant, à Bordeaux, en 2020, il a gagné beaucoup d’argent et de renommée en plaidant pour un homme, Vincent Sauriol accusé d’être un violeur en série, surnommé le chien fou. Un procès très long qui a fait la Une.
Il repérait soigneusement ses victimes, pénétrait chez elles, ne se contentait pas de les violer. Il les torturait, les rouait de coups, pendant des heures, les laissant traumatisées, détruites. Des preuves irréfutables l’accablent : traces d’ADN sur le lieu de son dernier forfait, vidéo sur les réseaux, le montrant agenouillé près d’une victime dans un bar avant son agression, cherchant peut-être quelque chose au sol. Alano va tenter de démonter tous ces éléments de preuves. Il faudra attendre la fin du roman pour connaître le verdict. Son engagement dans ce procès lui vaudra de gagner une réputation, beaucoup d’argent, une belle maison, une grosse voiture...
Les agressions reprennent et le chien fou menace Alano qui se réfugie dans un village près du lieu où sa mère a grandi.
« Un lieu paisible Malameria. Un lieu de tranquillité, pour qui souhaite oublier le reste du monde.
Ou en être oublié. »
Max Monnehay a mis fin à sa trilogie rochelaise mettant en scène Victor Carane, psy en milieu carcéral, qui nous avait emballés pour se lancer dans un roman procédural. La narration alterne entre le procès Sauviol d’octobre 2020 jusqu’à 15 jours après le verdict, avril 2021, à Bordeaux et la retraite à Malameria. On peut compter sur la romancière pour faire monter le suspense, sans négliger la psychologie des personnages. Ce roman est encore une belle réussite, qui nous tient en haleine d’un bout à l’autre, avec une fin grandiose.
Ce que j’aime aussi chez Max Monnehay c’est le style et l’humour malgré les horreurs qu’elle décrit. Quelques exemples pris sur trois pages au début : "ça faisait dix fois, vingt fois qu’il tirait sur le col de sa chemise. On aurait dit un péquin perdu dans la jungle et pris au piège d’un boa constrictor’’ "son ombre n’aurait pas tenu un manche à balai au frais’’ "un de ces parents persuadés que leur progéniture tient d’avantage d’ Einstein que de Peppa Pig’’. Personnellement, j'adore ça ; elle montre ainsi sa capacité à sortir du thriller pur et dur et laisse pointer un éclair de malice.
Finissons par notre lièvre transpercé de flèches, frappant sur la couverture. L’autrice se montre très engagée dans la lutte contre les sévices faits aux galgos.
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Galgos ? quoi-t-est-ce ?
Les galgeros sont des chasseurs espagnols, très présents en Andalousie. Ils chassent le lièvre avec arcs ou arbalètes. Ils dressent à cet effet les galgos, race de lévriers espagnols, très doux. Jugé responsables de l’échec d’un tir, le galgo est sévèrement puni par son maître.
Laissons Max Monnehay nous présenter le problème. Alano vient de croiser quatre de ces galgeros :
‘’ En théorie, c'est que, lorsqu'on est capable de jeter ses propres chiens dans un puits et de les y laisser crever, il y a peu de chances qu'on soit du genre à régler ses querelles de voisinage par le dialogue.
Quand nous nous sommes installés à Malameria, je ne savais rien du martyre des galgos. La première fois que de la terrasse nous avons aperçu l'un de ces chiens, j'ai simplement dit à Rose qu'il était étrange qu'il soit si maigre.
La seconde fois, il manquait de la peau sur une partie du flanc de la pauvre bête. Je suis allé interroger mon voisin Andrés.
Si un galgo ne revient pas avec le lièvre dans sa gueule, m'a-t-il expliqué, son maître considère qu'il est coupable de l'avoir humilié. Le chien doit alors payer. Pour ce faire, plusieurs méthodes, toutes plus délicieuses les unes que les autres.
Le puits, donc.
Mais aussi la pendaison, mise à mort propre et classique, avec tout de même une subtilité : les pattes du chien frôlent le sol, permettant une agonie plus longue.
L'écorchage, plus original : l'animal est attaché derrière un quatre-quatre et traîné jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'absorption d'acide ou de Javel.
Et si l'on est tout à fait lâche, on leur brise les pattes et on les abandonne dans la nature. [.../...]
- Je vois. Et la loi, elle dit quoi ?
- Elle dit de la merde, la loi. Elle dit que les galgos sont des outils de travail. Des instruments de chasse, quoi. Ils ne sont pas considérés comme des animaux. »
On sent son engagement. À la fin du roman, elle communique des informations sur le phénomène Galgo.
Pour en savoir plus sur les galgos et les possibilités d’adoption
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L'Espagne et ses galgos, ou l'histoire d'une race de chien martyre
Découvrez l'histoire poignante des galgos espagnols, lévriers utilisés pour la chasse, maltraités et abandonnés par milliers. Apprenez comment, en tant que voyageur, vous pouvez aider ces chie...
https://www.voyageons-autrement.com/sauver-galgos-espagnols-leur-histoire-et-comment-aider
L'image ci-dessus a été empruntée à ce site. Mais il existe beaucoup de sites, n’hésitez pas à les consulter.
Max Monnehay signe un nouvel ouvrage surprenant ; changeant de sa précédente trilogie. Elle est déjà considérée comme une « nouvelle reine du suspense ». Ça n’est pas faux mais ce roman-ci montre une profondeur qu’elle n’avait jamais atteinte. J’aime qu’en plus du suspense, il y ait du fond et c’est réussi. Les galgos m’ont ému mais j’ai continué à tourner les pages…
Merci à Max et à Gwenaëlle Desnoyer pour le service de presse.
Boris le Facteur 813
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