« La grippe a commencé à lui lâcher la grappe »
Tout commence en 1997, à Séoul. Totalement ivre, un gangster qui maîtrise très mal ses pulsions et sa rage tue sa fille devant sa femme et son fils, scène quasi insoutenable, en pleine rue.
25 ans plus tard, le 4 janvier 2022*, Park Yong-hwan, le meurtrier est libéré pour bonne conduite. Il a appris le français en prison et pensant être Yogwe, sorte de dieu vengeur, il veut prendre sa revanche et retrouvera sa femme et son fils pour assouvir ce qu’il pense être une injustice au Canada. En effet, ce qu’il reste de sa famille s’est bien réfugié à Montréal auprès de l’oncle de la mère. Bien sûr il retrouvera leur trace après moult violences de cet esprit malade.
Désormais la mère travaille comme cuisinière. Elle a acheté une maison dont elle occupe l’étage. Elle loue le rez-de-chaussée à une maitresse-chien Jade et son labrador Jimbo spécialisé dans la recherche de puces et matériels informatiques. La cave est occupée par son fils qui se fait appeler Mark Song. Il y fait de la musique plein ballon, la pièce est insonorisée. C’est aussi un policier chargé d’affaires criminelles.
Voilà les éléments du récit. Dominique Sylvain qui n’a pas fini de nous étonner signe ici un véritable thriller. Elle avait dit qu’elle voulait tenter l’exercice et disons-le, pari réussi ! Quel thriller ! Elle a abandonné Viviane Hamy pour signer chez Robert Laffont, mais malgré la couverture montrant un cerisier en fleurs et le titre Mousson froide, ce roman est très noir. Et blanc peut-on ajouter tant la neige et le froid glacial sont omniprésents. Handicap pour un Coréen même soutenu par sa rage vengeresse.
Les personnages sont complexes. D’un côté Yogwe, que la prison n’a pas apaisé qui pense que sa femme l’a spolié de sa vie (25 ans) et de sa "fortune", totalement déterminé et ne reculant devant aucun meurtre sauvage pour gagner du fric et retrouver son ex-femme. Un parfait salaud. De l'autre, Jade a une jumelle et des troubles mentaux liés à un séjour accidentel dans l’eau glaciale. Mark va régulièrement rendre visite à un tueur en série à qui il essaye de faire dévoiler l’endroit où il a enterré une de ses victime. Jeu trouble entre le flic et l’assassin. Et Jimbo, le labrador, jaune, voit les scènes avec ses yeux de chien puisqu’il devient le narrateur naïf et très olfactif de certaines séquences. Un trio de choc pour les opérations policières. Le récit devient choral ; à noter aussi que les séquences mettant en scène Jade sont rédigées au passé simple. Bref une structure et une narration parfaitement maîtrisées ; une écriture impeccable avec même une pointe d’humour (petit exemple le titre de cette rubrique, phrase qui m’a bien amusé).
Vous aimez frissonner, tourner les pages à toute vitesse, commencer un livre et ne pas pouvoir le lâcher avant la fin. Ce roman est pour vous. Avec quelque chose en plus : la maîtrise du style, de la construction et beaucoup d’attachement pour les personnages, même un petit côté politique avec l'élection possible à la mairie de Montréal . Bref Dominique Sylvain à son meilleur.
Mousson froide, Dominique Sylvain, Robert Laffont, mars 2021
Boris, le facteur 813
* Léger décalage d'un an. Ça n'est pas de la SF mais pour la crédibilité, ça ne pouvait pas être en janvier 2021 (la Covide y veille)