Riantes seventies
Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions des publications In8, petite maison d’édition paloise. Voilà un petit format, dans la collection Polaroïd dirigée par Marc Villard, une novella de 80 pages qui ne nous contredira pas.
Non loin d’Abbeville (Somme), sur une route au milieu d’un champ de betteraves, immense, un bus tombe en panne : c’est l’arbre à came. Très coloré, le véhicule transporte un groupe de rock The Famyly, des Anglais qui n’ont plus un radis et dont la tournée française est un échec commercial de plus. Leur nom de groupe ressemblant à un article et une lettre près à celui d’un groupe anglais, lui, en vogue, ne trompe plus personne. Nous sommes en 1972 et quelques et dans cette campagne reculée (pour ne pas dire arriérée) du nord, au milieu de nulle part. David, le chef de file en a vite assez et décide de partir chercher du secours. Il arrive à un abribus mais le car qui quelque heures plus tard finit par passer refuse d’ouvrir sa porte à un va nus pieds aux cheveux longs. Il passe son chemin.
Arrive alors une deudeuche poussive menée par Maurice et Lucien. Elle s’arrête et les ennuis ne font que commencer. Ces deux tristes sires font l’élevage du brochet dans un étang qui sert aussi de réceptacle pour les nombreux cadavres que les deux salopards assassinent sans autre forme de procès. Avec la complicité du village qui a peur d’eux, omerta totale, et de Marcel le tenancier du café épicerie du village. Un village pas vraiment ouvert à l’arrivée d’étrangers, qui plus est à cheveux longs et tenues colorées.
Ajoutons à ça, le bus des Wings avec à son bord Paul McCartney himself dans une tournée partie d’Amsterdam, avec musiciens, Linda et les enfants du couple. Leur bus tombe aussi en panne à une dizaine de kilomètres d’Abbeville...
Voilà une histoire (on ne dira pas belle) qui fait bien rire même si le trait est souvent forcé. Humour très noir, évidemment. Bien sûr d’autres cadavres iront alimenter les brochets et les situations sont excessives. Mais on lit ces 80 pages avec plaisir et l’on s’aperçoit que, soit-on célèbre comme McCartney ou dans la dèche comme The Famyly, quand on tombe sur une sorte d’auberge rouge, il vaut mieux numéroter ses abattis. Pas encore recommandé par la médecine mais dans cet univers totalement noir, une pochade comme celle-là est salutaire.
Boris le Facteur
L’Élevage du brochet en bassin clos,
Pierre Mikaïlov, In8 (Polaroïd) sept 2022