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Publié par blog813

Makila, fandango et « flambant vieux* »

Il semblerait qu’en ce moment les  EHPAD aient le vent en poupe (voir ma notice sur Faim de parcours, d’Alain Bron). C’est l’objet de toutes les convoitises dans le dernier roman de Dominique Sylvain : Périlleuses Pyrénées (la Bête noire chez Robert Laffont) paru le 18 janvier dernier.

Commençons : Le dimanche 26 septembre 1993, un berger basque attend dans la montagne. Il attend Victor, un médecin qu’il connaît depuis longtemps, son rival dans le cœur d’une femme. Dix ans auparavant, le 26 août 1983, une brusque montée des eaux avait détruit son cheptel et sa bergerie. Depuis, il n’avait pas réussi à remonter la pente. Cette rencontre est sa dernière chance.

Victor se gare, s’équipe, sans oublier son makila (bâton de marche basque contenant une dague effilée). C’est un marcheur émérite et il doit rejoindre d’autres randonneurs. La rencontre a lieu. Simon, le berger, lui demande de vendre sa maison, la villa Amanda. Victor refuse tout net ! Le ton monte. A-t-il été poussé ? toujours est-il que le docteur se retrouve au fond du ravin, « Le corps cassé [...] en croix. Entre deux rochers, sa tête... dans un angle bizarre, et une auréole de sang »

Voilà la faute initiale...

15 janvier 2023, trente ans plus tard, on vient informer Materola, directeur d’un Ehpad du groupe Novavita à Ciboure, que David, un vieillard qui perd la boule, a fugué. Il avait un atelier où il sculptait des makilas. Arlette, sa femme, l’a placé là, visiblement pour des motifs d’ordre sexuel et financier. Arlette retrouve David et le ramène dans l’établissement. Il semble avoir retrouvé un peu de lucidité et énonce d’une voix claire : « je sais qui je suis »  puis «  je sais pourquoi Oteguy s’est tué. [...] Quand il était jeune, Simon a tué un homme [...pour] l’argent, Simon avait perdu sa bergerie. Dans les inondations. » puis «  Son  makila, c’est moi qui l’ai fabriqué [...] — Simon a conservé le makila de la victime, c’est ça ? — Oui. »

Il en dit encore beaucoup plus mais arrêtons-nous là. Laissons David déjeuner avec Gabrielle pour nous retrouver cinq jours plus tard à Paris chez Lola Jost.

Tiens tiens... Lola est en train de placer le fessier jaune d’un ange sur son puzzle de  5000 pièces :  la Création d’Adam par Michel-Ange. Le téléphone sonne. C’est Bénédicte une ancienne collègue et amie, prof d’histoire-Géo à l’époque où Lola enseignait le français, avant d’entrer dans la police. Elle a pris sa retraite au Pays basque. Sa mère, Gabrielle, quatre-vingt-neuf ans, pensionnaire de l’Ehpad, est inquiète. Elle ne peut imaginer que son ami Simon, cher à son cœur se soit jeté du haut d’une falaise.

Et hop, c‘est parti, après que l’on a assisté à une séance d’effeuillage d’Ingrid Diesel, voilà nos deux détectives parties dans le Pays basque pour faire toute la lumière sur cette affaire. Comme dans le précédent opus, c’est avec la BMW et le side-car d’Ingrid qu’elles descendent à Biarritz retrouver Bénédicte et son fils Julien pour se lancer à la recherche de la vérité.

Elles vont découvrir que l’Ehpad rogne sur tous les services qu’elle devrait apporter à ses pensionnaires, avec un personnel réduit à son minimum et de la maltraitance pour un certain nombre d’entre eux. On se rappellera Orpea. Bien sûr, il y a des politiciens véreux, des agents immobiliers à la recherche d’un investissement juteux – raser et reconstruire – et deux redoutables tueurs : Currey, la cinquantaine, froid et déterminé et son jeune ami de cœur Léo, le Ninja qui rêvent de quitter leur job. Leur dernier coup ?

Dominique Sylvain tisse sa toile avec brio, comme d’habitude et l’on a plaisir à retrouver ses deux créatures, Ingrid et Lola qui ont troqué la Bretagne pour le Pays basque.  D’abord, c’est écrit au passé simple, si souvent délaissé par les temps qui courent. L’écriture est fluide, sans ostentation.

On appréciera l’humour. Les approximations d’Ingrid : «  Tu parles d’une liaison ? — Non. D’une démence d’un soir — Une folie d’un soir, j’préfère. » ; « C’est faisable,  mais il ne faudra pas se vagabonder » ; « La nuit charrie des conseils. On en reparle demain. — Ha ! Ha ! Charrier des conseils. » ; « Tu feras du fourrage partout. Et inversement. — Je fourragerai, d’accord. C’est l’adverbe inversement que je n’aime pas trop. »

... Mais aussi des pensées intimes des personnages, souvent Lola : « je suis la Caroline Garcia du puzzle [...]. Celle qui  n’abandonne jamais. » ; «  Julien avait fière allure aussi avec son équipement technique de pointe.  Quant à moi, je dois ressembler à une ourse qui  a oublié d’hiberner,  se figura Lola » ; « Je suis allée à la pharmacie. Histoire de prévisionner. -Des barbarismes au saut du lit, pouah ?  songea Lola. » Et même cette réflexion d’Arlette face à son jeune et bel amant : « Une réflexion parasite la tourmentait. Tu m’aimeras encore quand j’aurais la tignasse et la chatte blanches ? »

Une histoire complexe, des rebondissements totalement inattendus, une/des énigmes à résoudre, un fond social, sur base de scandale, que demander de mieux ?

*  J’ai emprunté une partie du titre à Dominique Sylvain dans sa dédicace de mon exemplaire : " Cette rencontre avec des personnages « flambant vieux » "

Boris le Facteur

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