Montrer le visible et l’invisible
Bonsoir,
Un coup de cœur le dernier polar de celle qui sera :
Samedi 24 "Aux flanneries littéraires" de Meyreuil (à côté d'Aix-en-Provence) et dimanche 25 au "Printemps du Polar" à L'Estaque (Voir l'annonce sur le Blog 813)
Deux heures du matin, en pleine mer, sur le pont d’un cargo, portable collé à l’oreille, Fab essaie de rassurer Angelica qui, prise de panique, l'a appelé à l’aide.
“ Fab ça craint ! Ils sont juste là, putain !
— Qui ça ils ?
— Je n’en sais rien, moi, qui c’est, et je m'en fous ! Bordel, Fab, ça tire encore ! De tous les côtés !
— T’es chez toi ?
— Oui !
— Ça vient de la rue, t’es sûre ?
— C'est juste à côté, j’te dis ! Je t’appellerai pas sinon: Fab, j’ai peur !
— Ça va aller Angie, ils ne sont pas là pour toi; tu sais bien.
— Mais c’est de l’autre côté du mur !
— Écoute-moi : va dans la salle de bains. Enferme-toi. Prends Charlie avec toi.
— Il dort dans son lit.
— Encore mieux ! Elle ferme à clés sa chambre si je me rappelle bien, alors verrouille bien ta porte d’entrée, éteins tout dans l’appart et rejoins-le. Il dort, il est tranquille. Ne le réveille pas, d’accord ; Tout va aller, t’inquiète pas...”
Elle répondit d’un Mmmmmh pas vraiment convaincu. Il la savait solide et pas farouche. L'entendre ainsi effrayée était bel et bien préoccupant. Le danger était indubitablement à sa porte.
“ T'inquiète pas ma belle. Chez toi, vous ne risquez rien. Reste avec ton fils, dans le noir, sans faire de bruit. A mon avis les types dehors ne savent même pas que vous êtes là. Quand ils auront fini, ils partiront. “.
La fusillade terminée, le calme revenu, c’est au tour des sirènes et des gyrophares des secours. De son côté, Fab enrageait, il ne comprenait pas. “Si maintenant ça canardait même à La Joliette ! Même en plein Marseille ! “
Le matin, en partant travailler, Angelica apprend que Redouane, le jeune voisin qu’elle aime bien, a été abattu dans la nuit. À son retour, elle trouve son appartement saccagé, fouillé de fond en comble. Rien n’a disparu. Puis c'est au tour de l’appartement de Lila, son amie, la mère de Redouane d’être vandalisé. Ici aussi rien n’a été volé. Quelques temps plus tard, Angelica est victime d’une très violente agression.
Après des années de silence, Fab et Angélica ont retrouvé la complicité de leur enfance. La sentant en danger, il est redevenu le grand-frère protecteur qu’il n’a jamais cessé d’être. Il plonge alors dans un monde sans pitié où règne la violence. Jusqu’où cela le mènera-t-il ?
Marseille sert une fois encore de décor au troisième roman d’Audrey Sabardeil. Elle y montre visible et l’invisible.
L’intrigue est habilement construite à partir d’événements inspirés de faits divers, ceux qui font régulièrement les gros titres de la presse. Très bien documenté, Cargo Blues fait plusieurs fois référence à La Chute du Monstre de Philippe Pujol. Dans ce second opus de sa trilogie marseillaise, le lauréat du Prix Albert Londres 2014, mène l’enquête sur les enjeux de la spéculation immobilière et les conditions de transformation du centre-ville.
Fab avait fui Marseille. Pour lui, ce n’était plus qu’une escale. Il ne reconnaissait plus la ville, ne s’y retrouvait pas. En tentant de déjouer le piège dans lequel sa sœur de cœur était tombée, il se lançait dans un monde qui lui échappait.
De son côté, Angie restait profondément attachée à sa ville et à ses valeurs : la solidarité, l’entraide. Elle tenait à vivre dans le quartier de La Joliette, là où accostaient autrefois les navires de son père et de celui de Fab. Assistante sociale, elle voulait continuer à partager le quotidien des habitants, leur tendre la main. Mais elle refusait de voir la réalité : la fuite des plus démunis, la vétusté des immeubles, la dégradation lente du quartier, l’insalubrité, l’insécurité.
Certaines scènes frappent par leur réalisme. Les dialogues sonnent juste, sans jamais tomber dans la caricature.
Audrey Sabardeil s’inscrit dans une sensibilité proche de celle de Jean-Claude Izzo. Il y a trente ans en arrière on n’aurait pas hésité à qualifier Cargo Blues de Polar Marseillais. Mais plus qu’un polar, c’est un vrai roman noir plus proche du Soleil des mourants le dernier livre écrit par Jean–Claude Izzo que de Total Kheops.
Avec Cargo Blues, Audrey Sabardeil rappelle que. “Le Soleil ne brille pas pour tout le monde”
La 4ème de couverture.
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Vivre accoudé à un balcon suspendu au-dessus de la Méditerranée est un privilège. C'est le quotidien de Fab, qui navigue entre Corse et continent sur le Pascal Paoli. A quai, deux êtres chers l'attendent, son amie d'enfance Angelica, et Charlie, qu'il aime comme un fils. Lorsqu'une nuit, un drame les percute, son équilibre vacille. Une fusillade au pied d'un immeuble qui aurait pu n'être qu'un banal fait divers marque le début d'une longue cavalcade et Fab se retrouve pris dans un engrenage vertigineux au cœur de différents trafics.
Ce roman est une immersion. Le lire c'est pénétrer Marseille. C'est également suivre le parcours d'un homme qui se perd, se frotte à un monde qui lui échappe, et surtout, se confronte à lui-même, dans une tempête de doute et de révolte. Un voyage, où chaque pas pourrait s'avérer fatal.
Michel 126